Black Friday

30 novembre 2021

Les dindes de nos contrées sont désormais prévenues. Ce n’est plus qu’une question de temps avant que nous ne commencions nous aussi, tels de funestes suiveurs de l’oncle Sam, à fêter Thanksgiving de ce côté-ci de l’Atlantique. Après avoir transformé jadis le vénérable et véritable Saint Nicolas en une version guimauve façon US, voilà que les Américains nous amènent à présent à remplacer sur le Vieux continent la traditionnelle période de rabais de janvier par le Black Friday. Cette dénomination trouve d’ailleurs son origine dans les séances boursières les plus sombres. Citons notamment Black Thursday en 1929 et Black Monday en 1987. Lorsque les cours des actions avaient été amputés de 30 % et 40 %, tout comme les prix dans les magasins de vêtements au premier jour de la saison des soldes aux États-Unis. D’où l’analogie.

Mais le Vendredi noir qui a marqué le coup d’envoi des bonnes affaires dans les rues commerçantes à la fin de la semaine dernière a également retrouvé, ce jour-là, sa signification originelle avec la pire correction que les cours boursiers ont connue depuis de nombreux mois.

Au cours des semaines précédentes, la remontée de l’inflation et des taux d’intérêt les avait déjà fait plier quelque peu, mais ils avaient su y résister relativement bien grâce aux perspectives économiques favorables et à la solidité étonnante des chiffres de l’emploi et des ventes au détail. Le nouveau variant du virus Covid a cependant envoyé sur les marchés financiers des ondes de choc et réveillé la crainte de nouveaux confinements sévères, rappelant ainsi à notre mauvais souvenir le premier semestre de 2020. Ce qui est compréhensible.

Mais, entendons-nous bien : c’est le énième variant du virus originel, qui a réussi, faute d’avoir pu freiner sa propagation à une vaste échelle, à expérimenter des mutations de toutes formes et de tous types. En réalité, la question n’est plus de savoir si un nouveau variant plus contagieux apparaîtra un jour pour repousser le précédent à l’arrière-plan, mais quand il surgira. Cependant, le fait que l’Organisation mondiale de la Santé désigne ce nouveau rejeton de la famille SARS-COV-2 non plus par un numéro (comme tous les autres) mais par un nom spécifique a semé l’effroi sur les bourses.

Toutefois, si l’analogie avec les séances les plus sombres de 2020 a quelque pertinence, cette rechute des cours offre également de belles opportunités et les entreprises qui avaient excellé durant cette période noire sont promises à nouveau à des performances étincelantes dans un proche avenir.

Reste cependant à savoir si les autorités réagiront en instaurant des mesures aussi drastiques qu’en 2020. Des mesures qui, avec tout le respect que nous éprouvons pour celles et ceux qui les ont prises, ne se sont pas avérées très efficaces et ont tout au plus étalé dans le temps les contaminations.

L’enthousiasme qui a accompagné les grandes campagnes de vaccination a créé un excès de confiance. Si les vaccins avaient la capacité de réduire d’un facteur 10 le nombre de contaminations, le fait d’autoriser ensuite des rassemblements de personnes 10 fois plus importants qu’avant la vaccination n’était pas de nature évidemment à faire progresser de manière décisive la lutte contre le virus. Bien au contraire. La sale bestiole s’est en effet réjouie à l’idée de pouvoir s’attaquer, à une plus vaste échelle, à une population de victimes plus concentrée.

Mais le virus a peut-être lui aussi présumé de ses forces. En se relançant sur le marché dans une version plus complexe et plus contagieuse de lui-même, ce véritable Frankenstein de la famille Covid coupe en même temps l’herbe sous le pied des autres variants. Si nous avons la chance que ce variant omicron génère des symptômes moins grave et un taux de létalité plus faible, le virus aura également signé par là son arrêt de mort.

Ici, nous partons de l’hypothèse que la puissance du virus sera de toute façon affaiblie par les vaccins. Certes, des tests devront encore démontrer cette affirmation, mais les premières indications vont dans la bonne direction. Ce qui nous conforte dans ce sens est le fait que ce variant sud-africain descend en droite ligne de la version originelle du virus, celle-là même contre laquelle les vaccins actuels ont été développés initialement. Ces derniers pourraient donc s’avérer plus efficaces contre le variant omicron qu’ils ne l’ont été contre le variant delta. On s’aperçoit ainsi que la forfanterie n’est peut-être pas l’apanage de l’espèce humaine.

Mais toutes ces considérations sont, pour l’heure, prématurées. La pièce peut aussi tomber du mauvais côté. Il n’est pas impossible que ce variant nous oppose une structure beaucoup plus complexe, susceptible de diminuer l’efficacité des vaccins actuels. D’une part, d’autre part... où avons-nous déjà entendu cela ?

En attendant, personne ne veut assumer la responsabilité d’une situation qui dégénérerait à nouveau. Les autorités ont donc décidé d’imposer des mesures plus strictes au monde de la nuit et à certaines destinations de voyage, ce qui a déjà conduit le Japon à interdire totalement la venue de visiteurs étrangers. Le gouvernement ne veut pas en effet mettre en péril l’évolution très favorable observée au pays du Soleil levant, maintenant que la vie publique est revenue quasiment à la normale.

Et c’est malheureusement dans nos contrées que le taux de contamination a connu son pire rebond. Nous laissons nos voisins du nord et les Autrichiens lutter pour la deuxième place, mais à une distance respectable de notre « performance » du tonnerre. Difficile d’avancer des raisons objectives à cette détérioration manifeste. Ni la densité de la population, la concentration du réseau routier, la pyramide des âges ou encore le taux de vaccination n’offrent une explication satisfaisante à de tels écarts. Peut-être testons-nous simplement plus et mieux et en faisons-nous le reporting plus correctement... 

Graphique 1 : Nombre de nouvelles contaminations par million d’habitants par semaine

Nombre de nouvelles contaminations par million d’habitants par semaine

Le variant omicron s’est avéré en tout cas d’ores et déjà capable non seulement de freiner (provisoirement ?) l’augmentation continue des prix des matières premières et des taux d’intérêt à long terme, mais également de reporter dans le temps les perspectives d’un premier relèvement du taux directeur américain. 

Graphique 2. Taux d’intérêt aux États-Unis, dans la zone euro et en Belgique (obligations d’État à 10 ans)

Taux d’intérêt aux États-Unis, dans la zone euro et en Belgique (obligations d’État à 10 ans)

Nous avions commencé à le craindre pour mars 2021, mais le moment où ce premier relèvement interviendra a été repoussé de quelques mois. Le nombre attendu des relèvements du taux d’intérêt à court terme a également été revu sensiblement à la baisse, tout comme la hausse prévue des taux d’intérêt américains à long terme. La semaine dernière, l’on tablait encore sur une remontée de 35 points de base au cours des 12 prochains mois. À présent, l’on avance tout au plus une hausse de 0,1 %. Un glissement des anticipations qui a d’ailleurs coûté pas mal de plumes également au cours du dollar.

Nous nous en tenons à une position surpondérée en actions et confirmons notre surreprésentation en actions technologiques et titres clairement axés sur la consommation, surtout aux États-Unis. Les perspectives du secteur pharmaceutique se sont ainsi remarquablement améliorées.

Le Japon, et plus précisément son secteur technologique, mérite également notre attention. Les actions européennes restent prudemment sous-représentées en raison de la forte propension des milieux politiques à mettre en œuvre des mesures drastiques pour réduire le taux d’infection, malgré leur lourd tribut économique.

Nous finirons bien par damer le pion à ce virus également. Ne fut-ce que pour nous faire oublier son horrible nom. 

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