Rapport trimestriel Q1 2023 : même une crise bancaire n’a pas raison du marché

7 avril 2023

Auteur: Sebastiaan Grenné, gestionnaire de fonds d’Argenta Asset Management

Après un début d'année optimiste en janvier et février, les marchés financiers ont encaissé plusieurs coups durs en mars. La banque américaine Silicon Valley Bank a connu des difficultés et est rapidement devenue la plus grande faillite bancaire aux États-Unis depuis la grande crise financière de 2008. Le choc qui a suivi a rapidement touché deux autres grands noms du secteur bancaire, Signature Bank et Credit Suisse. Mais les régulateurs ont réagi rapidement et efficacement pour éviter que la crise bancaire ne se propage davantage, et les marchés ont aussi vite retrouvé leur tendance positive. Êtes-vous curieux de savoir ce qui a causé cette crise, quelles en seront les conséquences économiques et comment cela change notre vision des marchés financiers ? Alors assurez-vous de lire la suite.

SVB, Signature Bank et Credit Suisse

Nous nous devons de commencer cette mise à jour trimestrielle par l'actualité la plus marquante des marchés financiers du trimestre écoulé : la « mini » crise bancaire que nous avons connue en mars. Elle a débuté au début du mois avec la Silicon Valley Bank (SVB) contrainte de cesser ses activités par le régulateur financier californien. Il arrive souvent qu'une banque en Amérique doive être fermée par le régulateur, cela s'est en effet produit plus de 500 fois depuis 2001.

Mais pourquoi ce cas-ci était-il particulier ? Pour un certain nombre de raisons. Premièrement, cela s'est produit à un moment où nous et de nombreux autres acteurs du marché craignions déjà une récession imminente aux États-Unis, comme vous avez pu le lire dans nos flashs précédents. Deuxièmement, il s’agit de la plus grande banque à faire faillite depuis la grande crise financière de 2008. Troisièmement, la raison pour laquelle elle a eu des problèmes est également très importante.

SVB

À l’origine du problème : la baisse structurelle des taux d’intérêt

Une grande partie des problèmes de la SVB peut être attribuée à l'évolution des taux d'intérêt sur les obligations d'État américaines. Comme on le sait, les rendements des obligations d'État de pays de qualité supérieure comme les États-Unis ont chuté à des niveaux sans précédent en 2020. Après des décennies de baisse des taux d'intérêt (sous l'impulsion de la mondialisation, du vieillissement de la population et de l'automatisation), les banques centrales ont poussé les taux encore plus loin vers le niveau zéro au rythme de leur lutte contre les crises des 15 dernières années : d'abord la grande crise financière, puis la crise de l'euro et enfin la crise du Covid.

En abaissant les taux d'intérêt, les banques centrales ont stimulé l'économie afin d'atténuer l'impact négatif de ces crises. Si on prend en compte le fait que la valeur des obligations d'État augmente lorsque les taux d'intérêt baissent, on peut donc dire que les obligations d'État américaines se sont très bien comportées pendant 30 ans.

Évolution historique des taux à 10 ans

SVB et le risque de taux d’intérêt

C'est dans cette période d'argent gratuit, jusqu’à quasi 0 % d'intérêt, que l'on trouve la cause des problèmes chez SVB. En tant que banque, SVB s'est principalement concentrée sur les start-up technologiques. Pendant la période d'argent gratuit, ces entreprises ont pu lever beaucoup de capitaux auprès d'investisseurs en capital-risque. Elles ont ensuite parqué l'argent qu'elles ont obtenu à la SVB.

Cette dernière, de son côté, a ensuite investi ces liquidités principalement dans des obligations d'État américaines à plus long terme. Elle a préféré ces échéances longues car elles offraient tout de même un certain rendement. Mais il ne faut pas oublier que plus la durée d'une obligation est longue, plus son prix baissera si les taux d'intérêt remontent et c'est donc justement dans ce type d'obligation que la SVB avait investi une grande partie de sa trésorerie.

C'est ce que nous appelons le risque « taux d’intérêt » d'une banque. Une banque reçoit de ses clients de l'argent qu'elle doit pouvoir rembourser à tout moment. Elle l'investit ensuite à plus long terme afin de générer des revenus d'intérêts. Pour limiter le risque qu'une banque ne soit plus en mesure de rembourser ses clients, le régulateur impose diverses limites sur le risque de taux d'intérêt qu'elle peut normalement prendre, en plus de nombreuses autres marges de sécurité.

Mais ici aussi, les choses ont mal tourné pour la SVB et d'autres banques régionales ces dernières années. Sous l'administration du précédent président américain, il a été décidé que les banques devraient être moins réglementées. En conséquence, la SVB a pu accumuler un risque de taux d'intérêt beaucoup trop important lorsque les taux étaient à leur plancher.

Les taux remontent, le problème éclate

Nous savons également ce qui s'est passé ensuite avec les taux d'intérêt en 2021 et 2022 : ils ont recommencé à augmenter à un rythme rapide. La raison de cette augmentation se trouve dans la hausse de l'inflation. Pendant des décennies, nous avons vécu avec une inflation très faible et parfois même négative dans le monde occidental. Mais avec la fin des confinements liés au Covid, l'inflation est remontée en flèche. Pendant les confinements, les consommateurs ont pu consommer beaucoup moins qu'avant. Même s'il y avait à l'époque des problèmes majeurs sur le marché du travail, les gouvernements sont intervenus avec de généreuses compensations pour les chômeurs temporaires dûs à la pandémie. Cela a permis aux consommateurs d'économiser beaucoup pendant les fermetures de Covid.

Lorsque les blocages liés au Covid ont pris fin, les gens ont recommencé à dépenser, et l’épargne accumulée a été rapidement utilisée. Ajoutons à cela le fait que les chaînes d'approvisionnement mondiales étaient encore gravement perturbées par les épidémies locales de Covid, et puis le début du conflit en Ukraine qui a fait grimper les prix de l'énergie. Vous obtenez ainsi une combinaison parfaite pour des taux d'inflation très élevés, comme nous l'avons vu en 2022. Ces chiffres élevés d'inflation incitent alors les banques centrales à remonter les taux d'intérêt, puisque la lutte contre la forte inflation est l'une de leurs tâches les plus importantes.

La hausse des taux d'intérêt a entraîné une forte baisse de la valeur des obligations achetées par la SVB, car elle avait accumulé de nombreuses obligations à long terme et n'avait pas couvert le risque de taux d'intérêt. Cela en soi n'aurait pas été un tel problème si elle n'avait pas eu besoin de l'argent immédiatement. Cela nous amène au dernier problème majeur de la SVB, la forte concentration de ses clients dans des entreprises de croissance technologique. Parce que les taux d'intérêt ont maintenant tellement augmenté, ces dernières lèvent moins de nouveaux capitaux auprès des investisseurs en capital-risque. Mais elles ont besoin de leur argent pour payer leur facture : salaires, bâtiments, énergie, logiciels… C'est pourquoi beaucoup de cash a été retiré des comptes de la SVB. Afin de rembourser cet argent, la SVB a dû vendre ses obligations d'État, mais maintenant avec de grosses pertes. Et pour compenser ces pertes, la banque a tenté d'émettre de nouvelles actions. 

Le run bancaire « Twitter »

Cette dernière décision a eu un effet dramatique, elle a semé la panique parmi ses clients qui ont réclamé leur argent en masse, et un « run » bancaire s'en est suivi. C'est aussi ce qu'on appelle maintenant le premier run bancaire « Twitter », car les entrepreneurs qui avaient de l'argent à la SVB et qui étaient inquiets à ce sujet ont partagé cette nouvelle sur Twitter et dans des messages de chat avec d'autres entrepreneurs technologiques. En conséquence, des masses d'argent ont été retirées des comptes à la SVB en quelques heures et la banque a dû être fermée, car elle n'a pas pu restituer l'argent demandé par ses clients.

Les autres banques américaines

Est-ce un problème général pour les banques ? Oui et non. Il existe d'autres banques américaines au profil similaire qui ont également rencontré des problèmes. Par exemple, Signature Bank à New York a subi le même sort que SVB quelques jours plus tard. Mais heureusement les régulateurs américains sont intervenus rapidement et vigoureusement pour éviter de nouvelles faillites bancaires. Avant tout, tous les dépôts des banques en faillite ont été garantis. Normalement, les gouvernements ne garantissent le montant sur le compte que jusqu'à un certain maximum : en Belgique par exemple, c'est 100 000 €, en Amérique 250 000 $. Mais parce que le run bancaire s'est produit ici en raison des capitaux très importants et mobiles des entreprises, il a été décidé de tout garantir. Par cette mesure, le régulateur espère que les clients seront moins enclins à retirer leur argent de la prochaine banque en difficulté.

En outre, la Réserve fédérale (Fed) a également décidé que les banques peuvent mettre en gage les obligations d'État qu'elles détiennent (et dont la valeur a souvent fortement chuté) en garantie de la Fed si elles ont besoin de liquidités et ce à 100 % de leur valeur d'origine au lieu de leur valeur marchande dépréciées. Les autorités ont donc réduit le risque d'un autre run bancaire et, s'il devait néanmoins se produire, elles fourniront elles-mêmes les liquidités nécessaires.

Bien que d'autres problèmes potentiels subsistent pour les banques américaines, il n'y a pas que la SVB et la Signature Bank qui ont pris de gros risques pendant cette période d’argent gratuit. De nombreuses banques régionales ont accordé des prêts importants aux promoteurs immobiliers, principalement pour réaliser de grands immeubles de bureaux et d'autres projets commerciaux. En raison du Covid et des changements que cette épidémie a apportés à notre société, comme la normalisation du travail à domicile et du commerce électronique, de nombreux immeubles de bureaux et centres commerciaux sont désormais sous-utilisés. Si les promoteurs immobiliers en éprouvent des difficultés, cela pèsera également lourdement sur les banques, nous devons donc continuer à surveiller la situation de près.

Les banques européennes

Un secteur bancaire moins exposé…

Le risque d'un problème similaire dans la zone euro est beaucoup plus faible, car la Banque centrale européenne (BCE) a toujours été beaucoup plus stricte dans sa réglementation des banques européennes. Ces dernières doivent se conformer à des règles beaucoup plus sévères en matière de capital, de liquidité et de risque de taux d'intérêt. Cela s'est traduit ces dernières années par un rendement plus faible des banques européennes par rapport à leurs homologues américaines, mais garantit désormais qu'elles sont bien mieux protégées.

… mais bien Credit Suisse

Le continent européen n'a cependant pas été épargné par les problèmes du secteur bancaire. Environ une semaine après les difficultés survenues aux États-Unis, le Credit Suisse a également rencontré des soucis. Les problèmes du Credit Suisse sont en partie similaires à ceux de la SVB et de la Signature Bank, dans la mesure où elles ont toutes un portefeuille de clients concentré qui peut facilement être transféré vers une autre banque. Chez l'une il s’agissait des entreprises de croissance technologique, chez l'autre on parle des grandes fortunes de la planète. Mais au Credit Suisse, il y avait bien d'autres problèmes qui persistaient depuis des années.

Le Credit Suisse navigue de scandale en scandale depuis des années. Il y a eu des accusations, des condamnations et des amendes monstres pour avoir aidé des clients américains à échapper aux impôts, pour avoir blanchi de l'argent provenant du crime organisé, pour avoir mis en bourse des entreprises frauduleuses, pour avoir espionné leurs propres employés, etc. Mais aussi les pertes se chiffrant en milliards lorsque le fonds spéculatif Archegos Capital a fait faillite ont également montré une gestion totalement erronée des risques.

Lorsque tous ces scandales et pertes ont été suivis d'une crise de confiance dans les marchés financiers autour des banques après les événements en Amérique, et puis du message du plus grand actionnaire du Credit Suisse indiquant qu'il ne mettrait plus d'argent dans la banque, vous obtenez une recette parfaite pour la chute de cette banque autrefois respectée. La banque centrale suisse n'a donc eu d'autre choix que de chercher à la hâte une solution de sauvetage qui a été trouvée dans le rachat forcé par son grand rival UBS. Reste à savoir quelles seront les conséquences à long terme de cette fusion pour les clients et les collaborateurs des deux banques et aussi pour son impact sur l'image de la place financière suisse.

Impact sur les marchés financiers

Au niveau des actions

Ces problèmes au niveau des banques ont naturellement eu un impact significatif sur les marchés d'actions, qui ont été durement touchés au début du mois de mars. Mais les bourses ont rapidement retrouvé leur élan positif des deux premiers mois de l'année lorsqu'il est devenu clair que les banques centrales agissaient cette fois rapidement et efficacement, contrairement à 2008, pour éviter une nouvelle catastrophe dans le secteur bancaire.

Depuis le début de 2023, la bourse a connu une évolution très favorable. Les actions européennes ont notamment réussi à surprendre positivement, portées par des chiffres économiques moins mauvais que prévu. L'impact de la hausse des prix du gaz, induite par le conflit en Ukraine, a également été moins dramatique qu’anticipé en raison de l'hiver relativement doux et parce que tous les Européens ont fait des efforts pour utiliser moins d'énergie fossile. L'inflation américaine a pu confirmer sa tendance baissière après des chiffres très élevés l'an dernier, permettant à la banque centrale américaine de modérer progressivement sa politique et ainsi de mettre moins de pression sur l'économie.

Aandelen MSCI EMU Euro en MSCI USA Euro

Au niveau des obligations d’État

L'impact au début du mois de mars est également frappant si l'on regarde les taux d'intérêt des obligations d'État. À la suite d’une nouvelle hausse des taux au cours des premiers mois de l'année, le rendement des obligations d'État américaines à 10 ans a dépassé 4 % fin février. En mars, les taux d'intérêt ont de nouveau plongé à 3,5 %, tirés par une fuite vers la qualité. Une augmentation initiale similaire était également visible en Europe, ainsi que la chute subséquente en mars.

Évolution des taux historiques à 10 ans

Au niveau des obligations d’entreprises

L'écart de taux d'intérêt sur les obligations d'entreprises a également grimpé en flèche au début du mois de mars après avoir bien baissé au cours des deux premiers mois de l'année. Cette rémunération supplémentaire signifie que les marchés financiers exigent désormais une prime plus élevée pour le risque de crédit associé à ces obligations. Par exemple, le taux d'intérêt sur les obligations de qualité aux États-Unis a bondi de 0,4 %, tandis que l'écart de taux d'intérêt sur les obligations de haut rendement américaines a grimpé de 1,2 % à court terme.

Ecarts de taux obligations d'entreprises américaines

On peut donc parler de marchés financiers très volatils, surtout en mars. Cette image devient encore plus claire lorsque nous regardons au-delà des principaux indices. Les petites entreprises ont beaucoup plus souffert que les grandes entreprises. Les valeurs bancaires ont très fortement chuté, avec des pertes de 30 à 40 % sur une journée qui ne font plus exception, tandis que d'autres secteurs ont bien mieux résisté. Nous voyons donc clairement des marchés financiers très nerveux. Mais cette énorme volatilité n'enlève rien au fait que les grands indices boursiers parviennent tout de même à afficher un joli résultat positif au premier trimestre de l'année.

Impact sur les banques centrales : réajustement de la politique monétaire

Les problèmes des banques n'ont pas seulement provoqué des changements importants dans les cours des actifs financiers, ils ont également eu un impact majeur sur les anticipations concernant la future politique monétaire des banques centrales, en particulier de la Fed. Au cours de l'année écoulée, la Fed a rapidement relevé les taux d'intérêt dans le but de ralentir l'économie et de faire baisser les taux d'inflation élevés, mais cela est en train de changer.

Les deux graphiques ci-dessous détaillent les attentes des marchés financiers quant à la manière dont la Fed conduira sa politique de taux à l'avenir. Le premier graphique montre les attentes à la fin février et le deuxième graphique montre les attentes à la fin mars, donc avant et après les problèmes de la SVB. Les barres vertes indiquent dans quelle mesure le marché s’attend à ce que le taux directeur de la Fed soit plus élevé ou sur quelle longueur dans les mois à venir.

Sur le premier graphique, nous voyons qu’à la fin du mois de février, le marché s’attendait à ce que la Fed continue de relever son taux directeur jusqu’en août, avec une nouvelle hausse de 75 points de base au total, pour permettre ensuite aux taux d’intérêt de se stabiliser et peut-être de légèrement baisser en janvier. Le deuxième graphique montre que le marché ne s’attend plus guère à des hausses de taux d’intérêt. Au contraire, vers la fin de l’année, nous voyons clairement des baisses de taux anticipées : une première baisse en octobre/novembre, pour un taux inférieur de près d’un demi pour cent en janvier. C’est un énorme changement, passant de hausses de taux à des baisses, mais ce que les graphiques ne montrent pas, c’est la volatilité quotidienne que nous avons vue dans ces chiffres.

Que signifie maintenant cette réévaluation de la trajectoire monétaire ?

Que signifie maintenant cette réévaluation de la trajectoire monétaire ? La réaction initiale des marchés a été principalement positive. Une baisse des taux d’intérêt signifie que la Fed veut soutenir l’économie, mais aussi les marchés financiers et a donc eu un effet favorable sur les actifs risqués. Cela sous-tend cependant une certaine myopie. Pour que la Fed change sa politique, actuellement très restrictive pour lutter contre l'inflation, vers une politique expansionniste qui soutient l'économie, il faut autre chose. Surtout avec des taux d'inflation encore beaucoup trop élevés, cela signifierait que nous devrions assister à une sévère récession aux États-Unis, sinon la Fed ne prendrait pas le risque de raviver l'inflation. Cette réévaluation de la trajectoire monétaire est donc un signe qu'il convient d'accorder une plus grande attention à une solide récession aux États-Unis.

Federal funds futures 28/02/2023
Federal funds futures 31/03/2023

L’inflation

Si on s’intéresse maintenant à l'inflation, on voit qu'elle a dépassé son pic, certainement aux États-Unis, mais qu'elle reste bien supérieure à l'objectif des banques centrales. De même, si nous regardons les chiffres sous-jacents, nous voyons plusieurs signes indiquant que le pic est dépassé : par exemple, l'inflation totale baisse déjà plus rapidement que l'inflation sous-jacente que nous le voyons ci-dessous, les prix de l'énergie sont à nouveau bien inférieurs à ceux d'il y a un an et les prix de nombreuses autres matières premières reculent également. D'un autre côté, nous constatons toujours des pressions à la hausse sur les salaires et des augmentations des prix dans l’alimentation. La bataille contre l'inflation n'est donc certainement pas encore gagnée.

Inflation de base (hors alimentation & énergie) (base annuelle)

Macroéconomie : la crise bancaire est-elle le déclencheur d’une récession potentielle ?

Au sein de notre gestion, nous avons depuis un certain temps déjà pris en compte le fait qu'il existe un risque réel que l'économie américaine se retrouve en récession. La crise bancaire pourrait bien en être le déclencheur. Comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous, même la Fed de New York donne maintenant de très fortes chances que l'économie tombe en récession plus tard cette année. Selon la Fed, la probabilité d'une récession en 2023 est encore plus élevée qu'elle ne l'était en 2020, l'année des confinements liés au Covid.

Probabilité de récession

La raison pour laquelle les problèmes des banques régionales pourraient pousser l'économie plus loin dans la récession est que les banques sont susceptibles de devenir plus strictes en matière de prêts. Les banques régionales américaines seront contraintes par leur régulateur et leurs actionnaires d'assainir leurs bilans et de prendre moins de risques. En conséquence, elles pourront accorder moins de crédits et le crédit qu'elles accorderont sera assorti de taux d'intérêt plus élevés. On peut donc s'attendre à une baisse supplémentaire de la confiance des consommateurs et des entreprises. Si les consommateurs commencent à consommer moins parce qu'il leur est plus difficile d'obtenir un crédit et que les entreprises investissent moins, cela pèsera sur la croissance économique et la voie de la récession sera ouverte.

Les résultats d’entreprises

Les évolutions macroéconomiques et le risque accru de récession sont également de plus en plus visibles dans les bénéfices attendus des entreprises. Si nous examinons la croissance attendue des bénéfices pour 2023, nous constatons qu'elle a fortement chuté et est désormais proche de 0 % de croissance en Europe et aux États-Unis. Les analystes s'attendent donc actuellement à ce que le bénéfice moyen d'une entreprise en 2023 soit le même qu'en 2022. Si l'on tient compte du fait que les analystes ont généralement besoin de beaucoup de temps pour ajuster leurs anticipations, on peut aussi parler d'un développement négatif. Les bénéfices des entreprises sont clairement déjà sous pression et des normes de prêt plus strictes imposées par les banques pourraient certainement peser davantage sur la croissance attendue des bénéfices.

Marktverwachtingen

Le positionnement des portefeuilles

En dépit des grandes fluctuations des marchés et des importantes nouvelles économico-financières que nous avons observées au cours de la période récente, aucun changement majeur n'a été apporté à nos portefeuilles par rapport au mois dernier. La trajectoire économique pour les mois à venir reste très incertaine. Cela nécessite encore et toujours un positionnement du portefeuille qui puisse jouer un rôle polyvalent. Nous voulons toujours pouvoir nous protéger si la situation se détériore et viser un bon rendement dans le cas inverse.

Au sein des actions

Les actions restent relativement chères, même si la prime de risque a légèrement augmenté en raison de la baisse des taux d'intérêt. Cela veut dire que le marché pousse le scénario d'une nouvelle baisse de l'inflation dans les mois à venir et d'un retour des bénéfices des entreprises sur leur trajectoire de croissance. Nous n'excluons pas des déceptions et détenons donc moins d'actions que notre indice de référence.

Allocation sectorielle

Nous sommes toujours fortement sous-pondérés dans le secteur bancaire. Ce secteur est confronté à un certain nombre de défis fondamentaux : une réglementation forte pesant sur la rentabilité, de nouveaux challengers sous la forme de fintech et un environnement de taux d'intérêt très volatil. Les problèmes actuels des banques régionales américaines ne vont bien sûr rien y changer. Le régulateur américain va désormais aussi devenir plus strict à l'égard de ces banques, si bien que les banques américaines devront apprendre à vivre avec la même pression sur la rentabilité que leurs consœurs européennes ces dernières années. Les événements autour de la SVB et de la Signature Bank ont également montré que la période d'argent gratuit a injecté dans le système des excès difficiles à détecter à l'avance mais qui peuvent soudainement occuper le devant de la scène. Nous maintenons donc notre sous-pondération dans le secteur bancaire mondial.

En revanche, nous restons surpondérés sur le secteur technologique. Nous prenons position dans des entreprises qui investissent dans les nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle. Le secteur industriel est également surpondéré dans notre portefeuille, en raison des projets des gouvernements américain et européen visant à améliorer les infrastructures et à promouvoir les énergies renouvelables.

Au sein des obligations

Nos obligations à long terme ont dû subir de lourdes pertes l'an dernier en raison de la hausse des taux d'intérêt. Mais nous n'avions qu'une exposition très limitée à ce risque et nos obligations sont en tout temps évaluées à la valeur de marché actuelle.

Notre portefeuille est réactif par rapport aux hausses de taux. La dynamique des hausses de taux d'intérêt est en effet toujours forte. Cela signifie que nous avons aujourd'hui des échéances relativement courtes, mais nous considérons chaque hausse des taux d'intérêt comme un point d'entrée pour allonger notre durée moyenne. De cette façon, nous perdons moins lorsque les taux d'intérêt augmentent, mais nous augmentons notre rendement attendu après chaque hausse des taux d'intérêt.

Concrètement, la durée moyenne du portefeuille est aujourd'hui légèrement inférieure à 5 ans, alors que notre indice de référence est supérieur à 7 ans. Nous atteignons cette durée moyenne inférieure en partie grâce à l'utilisation d'obligations à taux flottant. Elles ont un taux d'intérêt variable et donc une faible sensibilité aux taux d'intérêt.

Conclusion

Il reste essentiel de ne pas laisser vos investissements être guidés par l'émotion, que ce soit lors de la panique que nous avons brièvement vue sur les marchés quand la SVB a eu des ennuis, ou dans l’atmosphère d’optimisme des premiers mois de l'année issu de la conviction que le spectre inflationniste serait vaincu. La même philosophie continue de s'appliquer aux investisseurs : restez toujours investis sur le marché avec un portefeuille d'investissement large et diversifié à l'échelle mondiale qui correspond fidèlement à votre profil de risque. Dans nos fonds essentiels, d'une part, nous assurons un équilibre sain entre suffisamment d'instruments sous-jacents qui servent de tampon partiel en cas de nouvelle baisse des marchés. D'autre part, nous veillons à être positionnés de manière à pouvoir bénéficier de la reprise telle que celle que nous avons connue en début d'année. Et c'est tout aussi important.

Nous restons pleinement concentrés sur la gestion prudente et professionnelle des investissements de nos clients. Tous les jours et en toutes circonstances. Et surtout dans le contexte exceptionnel d'aujourd'hui.

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