La saison des résultats d’entreprises se termine, la géopolitique prend le relais

21 août 2020

Auteur : Vincent Coppée, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

La saison des résultats d’entreprises touche progressivement à sa fin et le marché a été visiblement soulagé de constater que les chiffres publiés pour le deuxième trimestre n’ont pas été aussi dramatiques que ce que l’on aurait pu craindre. Les bourses ont poursuivi leur progression et ce rebond se poursuit depuis maintenant 5 mois. Nous nous apprêtons cependant à entrer dans une nouvelle phase délicate qui sera marquée par l’empreinte de l’élection présidentielle américaine. À maints égards, la campagne électorale qui s’apprête à vraiment démarrer, aura un caractère exceptionnel et imprévisible. Son influence sur le comportement des marchés est donc très difficile à déterminer. Par ailleurs, les chiffres erratiques de l’évolution de la pandémie de COVID-19 contribuent à maintenir une atmosphère d’incertitude à court-terme. Nous maintenons dès lors notre vision plus prudente sur les actions.

Une saison des résultats qui a rassuré en termes relatifs

Si toutes les entreprises n’ont pas encore publié leurs chiffres pour le deuxième trimestre, nous pouvons d’ores et déjà tirer quelques conclusions alors que plus de 90 % des résultats sont connus à Wall Street, et environ 80 % en Europe :

Entreprises chiffres

Source : Thomson Reuters, chiffres au 17-08-2020

  • En règle générale, les entreprises ont mieux performé que prévu (ou craint) : aux États-Unis, plus de 80 % des sociétés ont agréablement surpris les analystes. En Europe ce chiffre s’élève à 60 %. Les entreprises américaines s’en sortent de nouveau mieux, et cela s’est reflété dans les différences de performance entre les indices boursiers de part et d’autre de l’Atlantique. Certes, en termes absolus, la chute des bénéfices sur un an reste impressionnante : plus de 30 % aux États-Unis et plus de 50 % en Europe. Mais, comme nous l’avions déjà souligné dans nos précédentes communications, le marché a l’habitude de réagir en fonction des prévisions, bien plus qu’en fonction d’un chiffre absolu.
  • Constat frappant : les différences entre secteurs sont considérables. Comme le montre également le tableau ci-dessus, les sociétés du secteur technologique ressortent du lot avec un très grand pourcentage de surprises positives. En termes absolus également, ces entreprises parviennent en moyenne à maintenir des bénéfices stables sur 1 an. À l’autre extrémité du spectre, les sociétés actives dans le secteur énergétique subissent la crise de plein fouet et accusent des pertes.

Ces publications nous confortent une nouvelle fois dans les choix que nous avons adopté ces derniers mois, à savoir le renforcement important des actions américaines et notre focalisation sur nos thèmes de long-terme, qui contiennent une part importante d’entreprises technologiques.

La politique américaine sur le devant de la scène

À moins de 3 mois des élections présidentielles aux États-Unis, nous entrons dans la phase critique de la campagne. Le candidat démocrate Joe Biden vient de désigner sa colistière en la personne de Kamala Harris, sénactrice de l’état de Californie. Il s’agit d’un choix tactique et logique, destiné à consolider les votes de la communauté de couleur et de l’électorat féminin. Joe Biden jouit toujours d’une avance relativement comfortable dans les sondages, comme le montre le tableau ci-dessous.

Trump vs. Biden

Nous avons cependant appris depuis 2016 à nous méfier de ces prédictions, et beaucoup de choses peuvent encore se passer au fil des débats et des déclarations des uns et des autres. Par ailleurs, l’inquiétude grandit quant au déroulement de l’élection elle-même : dans la mesure où la pandémie de COVID-19 sera plus que certainement toujours présente, un grand nombre d’électeurs sera enclin à opter pour un vote par correspondance. Et parmi ces électeurs se trouvera sans doute une majorité de démocrates. Trump l’a compris et tente de discréditer cette forme de vote, tout en imposant une cure d’austérité aux services postaux qui justement seront fortement sollicités lors de l’élection. Il souhaiterait obtenir plus que tout un report des élections. Il va sans dire qu’une élection chaotique ne serait pas accueillie avec enthousiasme par les investisseurs.

Par ailleurs nous observons déjà maintenant les effets de la campagne sur l’économie et les marchés. D’une part le Congrès américain n’est toujours pas parvenu à s’accorder pour voter le nouveau plan de soutien à l’économie, le Cares Act II dont nous avions parlé lors de notre flash précédent. Dépité par l’absence d’un accord, Trump a signé un ordre exécutif prolongeant les mesures d’aides déjà en place et octroyant notamment un sursis d’impôts. Le flou juridique règne cependant quant à la validité d’une telle procédure. Par ailleurs les attaques du président contre les intérêts chinois se multiplient, même si elles se limitent essentiellement au secteur des médias sociaux. Après TikTok, en effet, Trump a menacé d’interdire WeChat, une plateforme virtuelle gérée par le chinois Tencent. On doit s’attendre à ce que ces attaques gagnent en intensité dans les semaines à venir. 

L’évolution de la pandémie de COVID-19 : des feux s’éteignent, d’autres se rallument

Les tribulations du coronavirus sont de plus en plus difficiles à suivre. Aux États-Unis par exemple, on semble enfin constater une diminution du nombre de nouvelles infections journalières depuis plusieurs semaines, après que plusieurs états se soient vus contraints de renforcer sérieusement leurs mesures de confinement.

États-Unis : nombre de nouveaux cas journaliers d’infections.

États-Unis : nombre de nouveaux cas journaliers d’infections.
Source : Worldometer

En Europe, la situation est particulièrement confuse. Certains pays, comme la Belgique, ont connu un rebond dans les nouveaux cas d’infections mais semblent maintenant se stabiliser, d’autres, comme la France ou l’Espagne, voient à leur tour les chiffres se détériorer (voir ci-dessous). La conséquence est une situation très instable où les reconfinements se multiplient, et où les interdictions de voyage se modifient presque tous les jours, entre zones rouges, oranges et vertes. Le citoyen européen a de plus en plus de difficultés à s’organiser.

France: nombre de nouveaux cas journaliers de COVID-19.

France: nombre de nouveaux cas journaliers de COVID-19.

Espagne: nombre de nouveaux cas journaliers de COVID-19.

Espagne: nombre de nouveaux cas journaliers de COVID-19.

Même dans des pays cités en exemple pour la gestion de la crise sanitaire, comme la Corée du Sud ou la Nouvelle-Zélande, un recrudescence des infections est constatée. Á tel point que le gouvernement néo-zélandais a décrété un confinement partiel de la capitale et a décidé du report des élections législatives prévues pour la mi-septembre.

Il apparait de plus en plus clairement que le COVID-19 est un ennemi imprévisible, et qu’il restera une menace pour la société et l’économie tant qu’un vaccin n’est pas opérationnel. De ce côté, nous avons vu l’annonce spectaculaire de Valdimir Poutine qui a confirmé qu’un vaccin était déjà disponible en Russie et qu’une dose avait été utilisée pour sa fille. La fiabilité de cette information est bien entendu remise en doute par beaucoup d’observateurs. Pour la plupart des épidémiologistes, l’objectif de la première moitié de 2021 reste une hypothèse bien plus réaliste.

Quelles opérations avons-nous effectuées dans nos fonds essentiels ?

Les deux dernières semaines ont apporté peu d’éléments neufs susceptibles de modifier notre vue sur les marchés. D’une part, les résultats de sociétés ont continué à rassurer les investisseurs sur l’ampleur de l’impact de la crise. D’autre part, les valorisations boursières restent relativement élevées si l’on se réfère à l’évolution des primes de risque sur les actions, soit la rémunération obtenue pour la prise de risque suppléméntaire (voir graphe ci-dessous). Les incertitudes autour de la campagne électorale américaine et l’évolution de la pandémie de COVID-19 plaident également pour une gestion attentive des risques. Nous avons dès lors maintenu notre exposition prudente en actions au sein des fonds essentiels. 

Primes de risque

Au niveau de l’allocation géographique en actions, les poids des différentes régions ont été maintenus ces dernières semaines. Comme mentionné lors de notre précédent flash, nous avions auparavant réduit notre exposition, notamment sur les actions chinoises en allégeant notre position en Chine. Ces prises de bénéfices se justifiaient après la forte hausse du marché chinois, en combinaison avec une prime de risque plus faible. Nous souhaitions de la sorte renforcer nos positions en Europe pour profiter des perspectives favorables créées par l’accord historique de juillet au sein de l’Union Européenne. Actuellement, le poids de la Chine dans les fonds (autour de 5 % des actions) nous satisfait, même si nous restons attentifs aux risques liés aux tensions avec les États-Unis.

Les thèmes de long-terme au sein des actions restent notre investissement prioritaire. Les récents résultats publiés ont montré à quel point les sociétés actives dans la sécurité, la digitalisation, la fintech ou la cleantech profitent des changements fondamentaux qui s’opèrent dans le tissu économique mondial. Nous avons ainsi une nouvelle fois renforcé nos positions dans AF Finance Dynamic, AF Global Thematics, AF Responsible Utilities et AF Technologie, en utilisant une partie des liquidités issues des nouvelles souscriptions.

Au sein des obligations, nous avons également utilisé les liquidités entrantes pour renforcer de manière diversifiée nos positions. Nous ne souhaitons en effet pas laisser trop de cash improductif dans nos fonds essentiels alors que nous pouvons encore être rémunérés très correctement dans plusieurs segments du marché obligataire. Nous avons ainsi renforcé nos positions en obligations d’entreprises de qualité, en obligations des marchés émergents, en obligations de haut rendement et en obligations individuelles de la périphérie européenne (Espagne, Italie, Portugal). Nous avons à nouveau allégé nos positions en obligations d’État allemandes, alors que les tensions dans la zone Euro continuent de se réduire.

Nous avons enfin maintenu notre couverture sur le dollar à 11 % de l’exposition totale en dollars. La monnaie américaine n’est plus aussi chère que précédemment, mais le marché continue à pousser le dollar à la baisse et à acheter de l’euro en réaction à l’accord européen de juillet dernier.

Conclu­sion

Depuis plusieurs semaines déjà, les facteurs favorables et moins favorables à la prise de risque sur les marchés s’équilibrent. D’un côté les soutiens monétaires et fiscaux au marché restent omniprésents et d’une ampleur inédite. Par contre les incertitudes liées à l’évolution de la pandémie, à l’ampleur du rebond économique et à la situation politique aux États-Unis plaident pour une approche sainement diversifiée et légèrement prudente. Les fonds essentiels restent l’instrument idéal pour vous assurer cette diversification et pour appréhender toutes les facettes des risques et opportunités présent(e)s sur les marchés. Leur focalisation sur les thèmes d’avenir est en outre un atout non négligeable dont les investisseurs peuvent profiter.

Notre attention toute entière est portée vers la gestion attentive et professionnelle des avoirs de nos clients en toutes circonstances, et en particulier dans cet environnement exceptionnel que nous vivons actuellement.

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