Rapport trimestriel Q3 2022

6 Octobre 2022

Auteur: Xander Michielsen, gestionnaire de fonds d’Argenta Asset Management

Au cours des mois d'été, les marchés financiers ont réussi à amorcer une brève reprise. Agréablement surpris par les taux d'inflation alors plus faibles que prévu aux États-Unis, les marchés mondiaux ont répondu par une réaction euphorique. Cet optimisme a été alimenté par l'anticipation que moins de hausses de taux d'intérêt seraient nécessaires. En septembre, on s'est à nouveau rendu compte que la bataille contre l'inflation était loin d’être gagnée et que les banques centrales n'avaient d'autre choix que de continuer à relever les taux d'intérêt. Ces derniers ont donc de nouveau énormément augmenté et les actions comme les obligations ont fortement corrigé.

Résultats trimestriels Argenta Portfolio

L'optimisme s’est emparé des marchés boursiers au cours des mois d'été lorsque l'inflation s’est avérée plus faible que prévu. Cela a alimenté les espoirs de hausses de taux moins agressives. En septembre, l’inquiétude s’est réinstallée lorsque les marchés ont été désagréablement surpris par les chiffres plus élevés qu’anticipé de l'inflation aux États-Unis. La Banque centrale américaine a réagi en augmentant les taux d'intérêt et en faisant des déclarations agressives sur les mesures futures. Cela a lourdement pesé sur les actions et les obligations. Les fonds essentiels ont malgré tout pu enregistrer un résultat positif ce trimestre avec peu de différences entre les différents profils.

La lutte contre l’inflation

Les derniers chiffres d'inflation restent à un niveau élevé et ne donnent pas l'impression qu’ils vont baisser de sitôt. Cela rend les marchés nerveux et a également mis fin à la brève euphorie durant ce trimestre écoulé. Il existe toutefois des différences majeures entre l'Europe et les États-Unis et les causes sous-jacentes de l'inflation.

L’Europe et les États-Unis : des contextes très différents

L'inflation semble déraper surtout en Europe, les facteurs externes jouant un rôle prédominant. L'inflation européenne a clairement rattrapé et dépassé celle des États-Unis et est principalement tirée par le prix du gaz, mais la faiblesse de l'euro entraîne également une augmentation des coûts d’importation des matières premières et des biens. Le fait que l'inflation soit alimentée par des facteurs externes la rend plus difficile à contrôler et beaucoup plus imprévisible.

L'inflation américaine donne une image très différente. Ici, la cause de la forte inflation est la surchauffe de l'économie américaine et la vigueur du marché du travail. Bien que les derniers chiffres de l'inflation aux États-Unis soient plus élevés que prévu, elle y est plus susceptible d'avoir entamé une trajectoire descendante. Les prix des matières premières sont en baisse libellés en USD en raison des attentes économiques déprimées. Néanmoins, de nombreuses matières premières sont devenues plus chères libellées en euros, en raison d'un dollar de plus en plus fort. Cela constitue aujourd’hui un indéniable problème pour l’inflation européenne.

Inflation globale états-unis et Europe

Inflation actuelle et inflation anticipée

L'effet direct des taux d'inflation sur les marchés financiers dépend de nombreux facteurs. Ce sont les chiffres effectifs par rapport aux chiffres attendus en combinaison avec les détails sous-jacents qui sont décisifs.

L'inflation anticipée est soumise à de fortes fluctuations, en particulier en Europe en ce moment, car la source de l'inflation est beaucoup plus imprévisible. Sur le Vieux Continent, l'incertitude sur le prix du gaz a fait bondir provisoirement les attentes, pour retomber avec la promesse que les instances européennes allaient prendre des mesures correctives. En Europe comme aux États-Unis, l'inflation pour les cinq prochaines années a été significativement revue à la baisse. En Europe, c’est essentiellement dû la récession attendue. Aux États-Unis, elle provient plutôt d'une combinaison de la détermination de la FED dans la lutte contre l'inflation et du risque que les hausses de taux poussent les États-Unis en récession.

Inflation attendue à 5 ans

De taux bas pour longtemps vers des taux élevés pour longtemps

L'année dernière, le consensus était que les taux d'intérêt resteraient bas pendant longtemps encore. Entre-temps, cette supposition s'est complètement inversée et les taux d'intérêt ont augmenté dans le monde entier. Des taux d'intérêt plus élevés ne sont pas nuisibles en eux-mêmes, mais la rapidité avec laquelle les taux ont augmenté a pris les marchés financiers par surprise.

La politique monétaire de la FED

Aux États-Unis, de nouvelles hausses de taux agressives ont été appliquées. Le taux directeur américain a été relevé de deux sauts de 75 points de base, confirmant que la Banque centrale poursuivra sans relâche la lutte contre l'inflation. Il s'agit d'une tentative de ralentir l'économie en surchauffe afin de réduire la pression sur l'inflation. Le marché du travail américain est toujours très solide, ce qui donne à la FED la confiance nécessaire pour poursuivre la trajectoire haussière des taux d'intérêt. Cela se reflète également dans les anticipations de taux d'intérêt actualisés, qui ont également fortement augmenté, mais sont soumises à de fortes fluctuations. Celles-ci ont provoqué de vives réactions sur les marchés ces dernières semaines.

Hausses escomptées des taux d'intérêt Etats-unis

La politique monétaire de la BCE

La Banque centrale européenne ne pouvait rester sans réaction et a relevé les taux d'intérêt pour la première fois depuis des années. La première hausse de 50 points de base a eu lieu en juillet. En septembre, le taux directeur européen a été relevé de 75 points de base, alors que 50 points de base étaient initialement attendus. D'un côté cela s'est traduit par des réactions positives, la BCE donnant le signal qu'elle ose agir, mais d'autre part, il y a aussi la crainte de l'impact économique de ces augmentations.

L'inflation élevée, qui continue d'augmenter, et la faiblesse de l'euro, qui exacerbe encore la spirale inflationniste, laissent peu d'options à la BCE sinon de poursuivre les hausses. L'absence de relèvement des taux d'intérêt affaiblirait en effet davantage l'euro et amplifierait encore l'effet prix de ces facteurs externes. Pourtant, la Banque centrale européenne a beaucoup moins de marge de manoeuvre que la FED. L'économie européenne est en effet beaucoup plus affaiblie. De plus, l'Europe est confrontée à une crise énergétique. Une récession est maintenant difficile à éviter et c'est un argument pour que la BCE ne relève pas les taux d'intérêt de manière trop agressive. Ces relèvements ont en effet un impact majeur sur l'économie : le coût de financement pour les entreprises augmente et les investissements deviennent plus onéreux.

Hausses escomptées des taux d'intérêt BCE

Qu’en est-il de la confiance des entreprises et des consommateurs ?

Une image contrastée au niveau des entreprises

Le graphique ci-dessous montre l’indicateur PMI/ISM qui reflète la confiance des directeurs d'achat dans l'économie pour l’avenir proche. Un chiffre supérieur à 50 implique une économie en expansion avec un taux de croissance stable, un chiffre inférieur à 50 signifie que les entreprises s'attendent à une contraction.

Les dernières évolutions de la confiance des directeurs d'achats confirment le tableau précédent dans lequel les anticipations économiques pour l'Europe pointaient vers une contraction. Aux États-Unis, les entreprises ont toujours confiance dans la croissance future. Malgré le fait que les résultats des entreprises s'ajustent progressivement à la baisse, cela reflète la vigueur de l'économie américaine.

La Chine a déjà connu de forts vents contraires sur le plan économique cette année. Cela était entre autres dû à la politique « zéro Covid » provoquant des fermetures dans les économies locales dues au confinements, mais aussi aux problèmes du secteur immobilier. Entre-temps, nous observons des signes d'amélioration de l'économie chinoise, comme une reprise du trafic de marchandises et une plus grande confiance des entreprises. Ce sont des signaux positifs, mais il est encore trop tôt pour parler de reprise structurelle.

PMI de zone euro, us et Chine

Les consommateurs souffrent, en particulier en Europe

Outre la confiance des entreprises, la confiance des consommateurs est un signal important dans les anticipations de consommation future et donc un élément essentiel de la croissance économique.

La confiance des consommateurs a fortement chuté en 2022, tant aux États-Unis qu'en Europe. Le sentiment aux États-Unis, surtout aidé par la vigueur du marché du travail américain, est cependant déjà moins négatif qu'auparavant. En Europe, la confiance est désormais encore plus faible que celle mesurée lors du déclenchement de la pandémie de Covid. La crise de l'énergie continue clairement de miner la confiance des consommateurs européens. Personne en Europe n'échappe aux prix élevés du gaz et à l'impact sur le revenu disponible. Tôt ou tard, une baisse de confiance se traduira également par une baisse de la consommation avec les conséquences économiques qui en découlent.

Indice de confiance des consummateurs états-unis en UE

Les décisions de gestion

Aujourd'hui, l'incertitude accrue et la hausse des taux d'intérêt sous-tendent notre positionnement plus défensif. Le poids des actions a été réduit en plusieurs étapes à une sous-pondération de 10 % par rapport à une pondération neutre. Nous avons poursuivi la réduction des actions au cours des mois d'été car, selon nous, les marchés ont réagi de manière trop euphorique à l'inflation plus faible que prévu aux États-Unis. Les liquidités ainsi libérées ont été en partie conservées ou bien investies dans des obligations à court terme. Cela s'est traduit jusqu’à présent par un positionnement plus défensif en termes d'allocation.

Au niveau des actions

Le poids des actions européennes a été considérablement réduit. L'Europe est confrontée à de grandes incertitudes, l'inflation continue de s'envoler et n'est pas encore maîtrisée. La dépendance énergétique, les tensions géopolitiques et la faiblesse de la dynamique économique placent l'Europe dans une situation délicate qui ne peut être résolue directement par des hausses de taux d'intérêt.

Le secteur technologique américain a été progressivement allégé par la vente du tracker sur le Nasdaq. En raison d'une performance relativement bonne, les actions américaines ont vu leur poids augmenter. Dans le même temps, les positions en actions japonaises et chinoises ont été renforcées.

Le Japon a été relevé en réponse à l'augmentation de la compétitivité à la suite du considérable affaiblissement de sa monnaie. Cette chute a été la conséquence des politiques extrêmement accommodantes de la Banque du Japon pour soutenir davantage l'économie. L'inflation japonaise est également encore très faible par rapport au reste du monde. En Chine, après une précédente baisse des bénéfices des entreprises et des indicateurs économiques, nous avons de nouveau assisté à une reprise, et des positions dans l'économie chinoise locale ont été prudemment constituées. Cependant, il est encore trop tôt pour refaire de la Chine une position majeure dans notre sélection de titres. Cela nécessite davantage d'améliorations structurelles.

Au niveau des obligations

Le poids obligataire a été augmenté de manière significative, tandis que la sensibilité aux taux d'intérêt est restée limitée. Pour ce faire, nous détenons des obligations à court terme et des obligations qui fluctuent en fonction des taux d'intérêt. La position en obligations hypothécaires danoises a été vendue, c’était en effet l'une des positions obligataires les plus sensibles aux taux d'intérêt.

La force du dollar américain et la position dominante de la Banque centrale américaine ont justifié une forte augmentation des positions en obligations d'État américaines. Ces obligations sont privilégiées dans le portefeuille obligataire en combinaison avec des obligations indexées sur l'inflation comme protection supplémentaire contre les chocs liés aux anticipations d'inflation. Initialement, ce sont principalement des obligations d'État américaines à court terme qui ont été incluses. Par la suite, alors que les taux d'intérêt à long terme américains continuaient d'augmenter, la sensibilité aux taux des obligations d'État américaines a été relevée en incluant des obligations à plus long terme.

Les obligations indexées sur l'inflation sont très activement utilisées, elles protègent une partie des obligations d'État contre des hausses inattendues de l'inflation anticipée. Lorsque l'inflation américaine a dépassé les attentes en septembre, l'inflation anticipée a diminué. Ce fut un bon moment pour réintroduire des obligations américaines indexées sur l'inflation de diverses échéances qui peuvent protéger le portefeuille contre des chocs inflationnistes inattendus. Cela concerne actuellement 30 % de notre positionnement en obligations d'État américaines, ce qui nous permet de répondre aux évolutions des anticipations d'inflation.

En Europe, les chiffres de l'inflation ont également dépassé les attentes. La dépendance européenne à l'égard de l'énergie et la pression continue sur le prix du gaz signifient que l'inflation se prolonge également plus longtemps que prévu. Les obligations d'État allemandes, françaises, espagnoles et italiennes indexées sur l'inflation ont été augmentées. Une partie de cette position a de nouveau été vendue après la forte hausse des anticipations d'inflation. Actuellement, le poids des obligations indexées sur l'inflation au sein des obligations d'État européennes est d'environ 20 %.

Conclusion

L'inflation est une préoccupation majeure aujourd'hui. En Europe, elle est principalement tirée par des facteurs externes tels que le prix de l'énergie, d'abord le pétrole, puis principalement le gaz. La BCE subit des pressions pour augmenter davantage les taux d'intérêt parce que la Banque centrale américaine le fait de manière très agressive, affaiblissant l'euro. En revanche, la récession en Europe ne peut plus être évitée, ce qui signifie qu'un resserrement des taux trop brutal peut être nocif. La Banque centrale européenne est dans une situation très difficile. Aux États-Unis, les taux d'intérêt peuvent être encore relevés, mais là aussi l'exercice d'équilibre est important, soit être suffisamment agressif tout en évitant une grave récession.

L'incertitude économique est un fait, mais être sélectif et rester investi avec une vision à plus long terme est crucial pour obtenir un bon rendement sur un horizon temporel. Les temps incertains apportent également des opportunités. Entre-temps, après les fortes hausses de taux d'intérêt, des occasions intéressantes se présentent à nouveau sur les marchés obligataires.

Aujourd'hui, la gestion se concentre sur un portefeuille largement diversifié dans lequel les bons accents sont placés et les conditions de marché actuelles sont activement traitées. Une solution d'investissement adaptée au profil de risque de chaque client est ainsi préservée.

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