Octobre, rien de nouveau sous le soleil ?

10 novembre 2023

Auteur: Sebastiaan Grenné, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management 

Octobre a été également mouvementé, même si c'est quelque chose que l'on peut dire de presque tous les mois cette année. La saison des résultats a repris et cela n'a pas toujours été positif. Les chiffres de l’inflation ont apporté quelques surprises, tout comme la croissance économique, dans un sens tant positif que négatif.

Mais c’est surtout au niveau géopolitique que le monde a été une fois de plus profondément ébranlé. L'attaque terroriste du Hamas contre Israël a été suivie d'une guerre à grande échelle à Gaza. Ce nouveau foyer de conflit a non seulement un énorme impact humanitaire, mais exacerbe également les tensions géopolitiques dans le monde. Les taux d’intérêt ont continué à monter jusqu’à des niveaux auxquels nous ne sommes plus habitués, pour ensuite retomber…

Vous pourrez découvrir ci-dessous quel est l'impact de ces événements sur votre portefeuille et comment nous avons ajusté le positionnement dans les fonds en conséquence.

L’évolution des marchés d’actions et d’obligations

Les marchés boursiers ont connu un autre mois mouvementé. Après une forte baisse initiale, l'indice MSCI World s'est redressé vers la fin du mois pour revenir à son point de départ. La volatilité que nous avons encore constatée en octobre est un phénomène récurrent cette année. À plusieurs reprises, les marchés boursiers ont connu une belle hausse, pour ensuite être suivis d'une sérieuse correction ou vice versa. Mais malgré les informations négatives que nous voyons presque quotidiennement dans les médias et la nervosité de nombreux investisseurs, les actions mondiales sont aujourd'hui supérieures de plus de 10 % à leur niveau du début de l'année.

Évolution des bourses en Euro

Les rendements obligataires ont également connu un contexte très agité en octobre. Les bons du Trésor américain à dix ans ont d’abord atteint leur plus haut niveau de taux depuis 16 ans. Un taux d’intérêt de 5 % sur la dette publique américaine est un niveau que nous ne pouvions plus imaginer au cours des dix dernières années. Toutefois, dans les semaines qui ont suivi, les taux d’intérêt ont chuté rapidement, de pas moins de 0,50 % en un peu moins de deux semaines. Il s’agit là encore d’une évolution très rapide des taux d’intérêt qui a généré une belle plus-value pour les investisseurs obligataires.

Aujourd’hui, le taux d’intérêt à 10 ans aux États-Unis est revenu aux alentours de 4,5 %, sa moyenne historique, si l’on regarde les données depuis 1798. À partir de là, les taux peuvent partir dans n’importe quelle direction. Mais ce qui apparaît clairement, c’est que les rendements actuels sont bien plus intéressants aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au cours de la dernière décennie.

Évolution historique des taux à 10 ans

Gaza, le Moyen-Orient et le cours du pétrole

Les tensions en Israël et en Palestine, qui se sont aggravées depuis octobre, ont un impact direct sur les prix du pétrole. L’Arabie saoudite et l’Iran comptent en effet parmi les pays possédant les plus grandes réserves de pétrole et la plus grande capacité de production au monde. L'inquiétude sur les marchés de l'énergie due à la résurgence du conflit se reflète donc dans le prix du pétrole. Dans les jours qui ont suivi l'attaque du Hamas, le cours du baril est passé de 84,5 dollars à 92,5 dollars.

Depuis lors, les prix du pétrole se sont cependant repliés. Les autres acteurs majeurs du Moyen-Orient sont pour l’instant largement restés à l’écart du conflit, comme l’Arabie saoudite. Les États-Unis produisent également aujourd’hui plus de barils de pétrole par jour qu’ils ne l’ont jamais fait. Ce pétrole produit aux États-Unis est également consommé immédiatement : les réserves stratégiques restent faibles. Mais ce qui a exercé principalement une pression sur les prix du pétrole au cours de la seconde quinzaine d’octobre, c’est la baisse de la demande mondiale due aux faibles attentes de croissance économique.

Ce qui ressort de manière particulièrement claire sur le marché pétrolier, c’est l’instabilité de la situation. De nouveaux chocs du côté de la production, comme une nouvelle escalade au Moyen-Orient, ou les changements dans la demande mondiale peuvent avoir et ont effectivement un impact majeur sur les prix du pétrole et de l’énergie à l’échelle mondiale. Ces facteurs sont à leur tour très déterminants pour l’inflation et la croissance économique future.

Le cours du pétrole

Inflation et croissance économique

Si l’on regarde les chiffres de l’inflation, on constate qu’une forte baisse s’est déjà produite à partir des niveaux extrêmes de 2022. Les États-Unis ont été les premiers à amorcer le recul, mais le niveau d’inflation se stabilise désormais juste en dessous de 4 %, ce qui reste supérieur à l’objectif de la Fed. En Europe, nous assistons à un mouvement de rattrapage, l'inflation continue de baisser rapidement et approche désormais les 3 %.

Inflation globale Eurozone et États-Unis

Les banques centrales et les attentes d’inflation

Toutefois, l’incertitude entourant l’inflation reste élevée. Si les prix du pétrole devaient repartir à la hausse, cela pourrait certainement perturber la tendance baissière. En Europe, l’inflation est largement répandue dans toutes les facettes de l’économie. La faiblesse de l’euro rend plus chères les matières premières habituellement achetées en dollars. La dépendance énergétique à l’égard de l’étranger joue également un rôle important pour l’Europe. Il faut donc tenir compte d'une inflation qui pourrait rester supérieure aux objectifs des banques centrales. La question sera donc de savoir si ces dernières toléreront une inflation plus élevée en raison de la faiblesse de l’économie ou si elles continueront implacablement à lutter contre l’inflation.

Il est important de constater que l’inflation attendue par le marché a fortement diminué au cours du mois dernier, notamment en Europe. Le marché prend désormais en compte le fait que le niveau d’inflation moyen au cours des cinq prochaines années ne sera que de 2,3 % tant dans l’UE qu’aux États-Unis. On pourrait en déduire que, aux yeux du marché, les banques centrales ont probablement atteint leur objectif. Grâce à la politique monétaire restrictive menée et à la promesse de maintenir les taux d'intérêt au niveau élevé actuel pour une longue période encore, la BCE et la Fed sont susceptibles désormais d’atteindre leur objectif d'inflation.

Inflation attendue dans 5 ans

Effets secondaires sur la croissance

Cependant, les politiques restrictives de la BCE et de la Fed n’ont pas seulement fait baisser l’inflation, elles ont par leurs actions fortement freiné la croissance économique. Nous pouvons le voir dans le graphique ci-dessous où l’on peut observer la confiance des directeurs d’achats aux États-Unis et dans l’UE. Nous voyons clairement que cette confiance a chuté à la suite des hausses de taux d’intérêt des deux banques centrales. Un niveau inférieur à 50, clairement visible dans l’UE, indique un ralentissement de la croissance.

Enquêtes PMI

Saison des résultats

La saison des résultats a repris en octobre et a apporté de nombreuses surprises. L'une des conclusions les plus importantes de cette saison de publications a été que les entreprises qui surprenaient négativement étaient sévèrement punies. Les cours des entreprises ayant publié des résultats moins bons que prévu ont en effet baissé de plus de 5 % en moyenne. Il s’agit de la réaction négative la plus forte depuis 2011. Les chiffres des bénéfices restent donc très importants pour le marché, qui réagit très nerveusement aux mauvaises surprises.

Notre positionnement dans les fonds essentiels

Tout comme le mois dernier, nous continuons de penser qu’une sous-pondération des actions est appropriée. La pression des taux d'intérêt élevés continue de peser sur les consommateurs, qui doivent désormais payer plus de 7,5 % d'intérêts sur leur prêt hypothécaire aux États-Unis, mais aussi sur les entreprises. Les indicateurs macroéconomiques continuent d’indiquer que nous sommes probablement déjà en récession, tandis que l’inflation continue de dépasser les objectifs des banques centrales. Nous pouvons prendre pour exemple la difficile saison des résultats, au cours de laquelle on a constaté une très grande dispersion entre les entreprises et où les surprises négatives sont sévèrement punies. C'est pourquoi nous maintenons actuellement une sous-pondération des actions de 7 %.

En revanche, nous surpondérons les obligations et les liquidités. Grâce à des rendements courants plus élevés, les actifs à revenu fixe sont désormais plus intéressants en tant qu'investissement.

Au sein des actions

Les grandes lignes du portefeuille d'actions ont été maintenues. Géographiquement, nous continuons de préférer l'Inde et le Japon où les bénéfices des entreprises sont bien orientés. Les actions japonaises continuent de bénéficier des améliorations que le gouvernement tente d'apporter à la culture de gouvernance d'entreprise. Cependant, la Banque du Japon commence à mettre en œuvre une politique monétaire légèrement moins favorable, ce qui signifie que nous avons réalisé la première légère réduction de notre surpondération du Japon.

Nous continuons de maintenir nos positions indiennes car elles pourront bénéficier pendant longtemps encore de la main-d’œuvre croissante du pays. En outre, nous observons de plus en plus de signes indiquant que les grandes multinationales s’intéressent plus clairement à ce pays. Par exemple, Apple a récemment annoncé qu'à l'avenir, le nouvel iPhone serait le premier à être produit en Inde dans les nouvelles usines qui y ont été installées.

Les actions chinoises ont à nouveau été allégées. Les problèmes d’endettement dans le secteur immobilier constituent un risque systémique et le vieillissement rapide de la population pèsera lourdement sur l’économie du pays. Nous restons également fortement sous-pondérés sur l’Europe compte tenu du scénario macroéconomique plus difficile, de l’inflation toujours élevée et du manque de pionniers européens de l’IA.

Au sein des obligations

Le changement le plus important que nous avons apporté au portefeuille au cours du mois dernier est une augmentation significative de la duration, c’est à dire la sensibilité aux taux d'intérêt des obligations. Au cours de l’année écoulée, la valeur des obligations d’État des pays sûrs a fortement chuté en raison de la hausse des taux d’intérêt, car il existe une relation négative entre le taux d’intérêt et le prix d’une obligation : lorsque les taux d’intérêt augmentent, le cours d’une obligation baisse.

Cette très forte baisse des cours des obligations d’État est-elle une raison pour avoir peur des obligations ? Certainement pas à notre avis. Nous y voyons en fait une opportunité et avons donc commencé à augmenter la durée de nos obligations gouvernementales. Pour la première fois depuis très longtemps, les obligations offrent à nouveau un bon rendement courant, c'est pourquoi la durée de notre portefeuille obligataire a été augmentée à près de 6 ans.

Dans le tableau ci-dessous, vous pouvez observer le rendement attendu des obligations d'État à 10 ans si nous les détenions pendant 1 an à différentes variations de taux d'intérêt. Si les taux d’intérêt devaient à nouveau baisser, par exemple en cas de fuite vers la qualité en raison d’une récession prochaine, nous verrions des rendements attendus très intéressants. Cependant, si les taux d'intérêt devaient continuer à augmenter et suivre ainsi la dynamique de cette année, le rendement attendu diminuerait naturellement.

Mais même avec une nouvelle hausse des taux d'intérêt de 0,5 %, le rendement attendu des obligations italiennes et américaines reste positif. Il existe donc une nette asymétrie dans le rendement attendu : de beaux rendements positifs si les taux d'intérêt restent stables, des rendements très élevés si les taux d'intérêt baissent et des pertes limitées si les taux d'intérêt augmentent encore. Cela explique pourquoi nous avons augmenté notre duration et sommes surpondérés en obligations.

Variations taux Allemagne France Italie USA
Taux actuel 2,95% 3,57% 4,95% 4,99%
-1% 10,95% 11,57% 12,95% 12,99%
-0,5% 6,95% 7,57% 8,95% 8,99%
0% 2,95% 3,57% 4,95% 4,99%
0,50% -1,05% -0,43% 0,95% 0,99%
1% -5,05% -4,43% -3,05% -3,01%

L'augmentation de la durée a été principalement réalisée au sein des obligations d'État américaines, qui représentent aujourd'hui 26 % de notre portefeuille obligataire, soit une très forte surpondération et une durée supérieure à la moyenne. Nous avons également augmenté le poids et la durée en Italie. L'Italie présente encore une différence de taux d'intérêt assez élevée par rapport aux emprunts d'État allemands, qui nous semble moins justifiée aujourd'hui que par le passé. D'où notre choix d'accroître notre exposition à l'Italie. Pour financer ce mouvement, des obligations d'État à court terme de la République tchèque et de la Norvège ont été vendues, la différence de taux d'intérêt avec l'Italie étant devenue trop faible, et nous limitons ainsi le risque de change du portefeuille.

Conclusion

Il reste essentiel, concernant vos investissements, de ne pas vous laisser guider par l'émotion : que ce soit par la panique provoquée par les hausses de taux et les pertes subséquentes sur le portefeuille obligataire, ou par l’optimisme lié au rally soutenu par l’IA. La même philosophie continue de s'appliquer aux investisseurs : restez toujours investis dans le marché avec un portefeuille d'investissement large et diversifié à l'échelle mondiale qui correspond à votre profil de risque.

Dans nos fonds essentiels, nous assurons d’une part un équilibre sain incluant suffisamment d'instruments sous-jacents qui servent de tampon partiel en cas de nouvelle baisse des marchés. D'un autre côté, nous veillons à être positionnés pour profiter d’une reprise comme celle que nous avons connue cette année sur les actions. C'est au moins aussi important.

Nous restons entièrement concentrés sur la gestion attentionnée et professionnelle des investissements de nos clients. Tous les jours et en toutes circonstances. Et surtout dans le contexte exceptionnel d'aujourd'hui.

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