Inondés de nouvelles

18 décembre 2020

Auteur: Matthieu De Coster, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

Le mois de décembre nous inonde d'une avalanche sans précédent de nouvelles économiques et politiques. Le Brexit, l’état d’avancement des vaccins, l’actualité du budget de l'UE, le sommet des Nations Unies sur le climat, une fuite de données informatiques historique, un nouveau plan de relance américain et de nouvelles tendances boursières.

Le monde traverse des transitions claires à court et à long terme. La tendance des infections à la Covid ne semble pas encore s'être inversée et les perspectives de l'économie « stay at home » sont donc toujours positives. D'un autre côté, cela présente de nombreux défis à court terme pour les décideurs. Heureusement, nous pouvons par contre espérer une rupture dans la tendance de l'évolution du climat. Nous adaptons nos portefeuilles en conséquence.

Des perspectives favorables à moyen terme

Nous en avons appris davantage sur l'efficacité du vaccin Covid de la société Moderna. Outre une protection élevée (+ 95 %) contre les conséquences graves de la maladie, il réduirait également le risque d'infections. Le nombre de personnes porteuses du virus diminuerait ainsi, nous rapprochant de l'immunité de groupe espérée. Outre Pfizer et Moderna, Johnson & Johnson et AstraZeneca pourraient également recevoir une approbation vers février. Cela donne au monde plus de munitions pour réduire le nombre de cas graves de la maladie et rouvrir une grande partie de l'économie.

Ce sont sans aucun doute d’heureuses perspectives. Cependant, nous n'attendons pas les effets économiques d'une vaccination extensive avant la mi-2021. Malheureusement, nous devons encore traverser un « hiver Covid » rigoureux, avec de possibles nouvelles vagues d'infections. L'activité industrielle avait fortement augmenté ces derniers mois, mais nous avons récemment constaté une rechute de plusieurs indicateurs. Par exemple, sur la base des chiffres de l'indice ISM, nous constatons que le secteur des services américain perd un peu de vitesse. En raison de nouveaux confinements partiels, il y a de fortes chances que cette tendance se poursuive avant que l'activité économique ne s'accélère à nouveau.

Nouvel affaiblissement

Indicateur d'activité économique dans le secteur des services américain

Les mesures de soutien sont plus que nécessaires à court terme

Le soutien monétaire des banques centrales est toujours crucial. Les faibles taux d'intérêt en sont la conséquence qui nous concerne directement, et ce niveau bas facilite le (re) financement de diverses entreprises et gouvernements. Les obligations des employeurs (salaires, fournisseurs ...) et les investissements sont plus aisément réalisé(e)s. Cela limite dans une certaine mesure les dommages économiques mesurables aujourd'hui. Nous devons cependant tenir compte du fait que le nombre de faillites peut soudainement augmenter rapidement.

C'est pourquoi un soutien fiscal est également éminemment nécessaire. Ce dernier prend principalement la forme de prêts ou de primes. Aux États-Unis, un nouveau programme de soutien semble être en cours de finalisation qui peut en partie remplir ce rôle. Les Républicains et les Démocrates veulent en effet lancer un plan de sauvetage avant la fin de 2020. Une proposition est sur la table d'une valeur de 748 milliards de dollars (615 milliards d'euros). En outre, l’accord budgétaire et fiscal historique qui a été conclu au sein de l’Union européenne en juillet a franchi le dernier obstacle. La résistance de la Pologne et de la Hongrie à la proposition de budget assorti de certaines conditions de l'Union européenne pour la période 2021-2027, a finalement été brisée. Cela signifie que le généreux programme de soutien fiscal (comprenant un fonds de relance de 750 milliards d'euros) peut venir en aide aux économies touchées par la Covid.

Le soutien considérable du marché a par ailleurs, à lui seul, créé une grande confiance dans les marchés obligataires. Les entreprises et les pays dont la cote de crédit est plus faible peuvent également se refinancer à des conditions favorables. Ces « rétrécissements des spreads » ont profité à des portefeuilles obligataires bien diversifiés. Nous pourrons encore compter dans un horizon plus lointain sur cet environnement contrôlé dans les marchés de la dette.

Quelles surprises le Brexit nous réserve-t-il encore ?

En Europe, l'économie pourrait rencontrer des difficultés supplémentaires sans un accord entre le Royaume-Uni et la zone euro. Sans accord, en plus des formalités douanières lourdes (surcroît de paperasse), des droits de douane (taxes) et des quotas entreront également en vigueur à partir du 1er janvier 2021 pour les échanges entre les deux entités.

Un accord pourrait éviter ces droits de douane et quotas, ou en tous cas les limiter. Mais dans tous les cas, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers pour la zone euro et les formalités supplémentaires seront inévitables. La différence entre un « deal » et un « no deal » se fera sentir au final dans la quantité de marchandises échangées, dans les prix et dans la divergence juridique entre les deux parties. Un scénario « sans accord » donne au Royaume-Uni plus de liberté pour définir sa propre voie. Pour le moment, les entreprises britanniques sont déjà fébrilement occupées à thésauriser, ce qui entraîne de longs embouteillages à la frontière.

Dover

Formation de files au poste frontière du port de Douvres

Au moment d'écrire ces lignes, des négociations intensives sont toujours en cours et un rapprochement semble se dessiner. Quoi qu'il en soit, le chaos à la frontière et une période difficile pour les exportateurs et les importateurs des deux côtés se précisent à très court terme. Nous avons protégé du mieux possible nos portefeuilles des conséquences négatives de cette situation. Nous pensons que dans tous les cas, il y aura des surprises désagréables pour les parties concernées, mais qu’un nouvel équilibre plus stable sera trouvé à long terme.

Que choisir : les actions « de valeur » ou « de croissance » ?

Les difficultés économiques que nous connaissons ne se sont pas pleinement reflétées sur les marchés boursiers. Ce n'est pas une anomalie, mais une conséquence purement « mécanique » des faibles taux d'intérêt. Les bénéfices escomptés des entreprises pour les années à venir sont mis à jour à un taux d'actualisation inférieur et ont pris ainsi plus de valeur aujourd'hui. En fonction des dommages qu'une entreprise a subi en raison de la Covid, cet aspect positif peut prendre le dessus dans le cours boursier. Des sociétés très présentes dans le numérique ont pu enregistrer des gains boursiers exceptionnellement forts en raison de la demande accrue pour leurs produits et de ces baisses de taux d'intérêt.

Nous ne voyons pas de surévaluation générale sur le marché boursier dans ce contexte, bien qu'il y ait certainement des excès à trouver. La plupart des entreprises avec des paramètres de valorisation coûteux sont simplement actives dans les axes de forte croissance : la numérisation, les technologies propres... On les qualifie dans ce cas d’actions de croissance car leur coût élevé implique une croissance attendue élevée. Au cours de l'année écoulée, ces entreprises ont principalement évolué dans 3 secteurs gagnants : la technologie, les biens de consommation et les télécommunications. D'autres secteurs tels que les matières premières, l'industrie, les services financiers et l'énergie se composent aujourd’hui principalement des actions dites « de valeur » qui sont moins onéreuses.

Pouvons-nous expliquer pourquoi une différence de valorisation de plus en plus prononcée est apparue au cours des dernières années entre les actions de croissance et les actions de valeur ?

  • L'effet mécanique de la baisse des taux d'intérêt a un impact plus grand sur les entreprises qui ont plus de bénéfices futurs à réaliser, ce qui est par définition le cas des entreprises en croissance. Ces dernières années, les taux d'intérêt ont continué de baisser.
  • L'effet de taille potentiel a augmenté en raison de l'internationalisation et de la numérisation. Pour de nombreuses entreprises, l'objectif est d'abord d'atteindre le plus grand nombre de clients possible, ce qui peut nécessiter de gros investissements. La rentabilité n'est mise aux normes qu'à un stade ultérieur. De nombreuses mesures de valorisation (cours / bénéfices, prix / valeur comptable, prix / chiffre d'affaires…) ne reflètent pas le plein potentiel d'une entreprise à ce moment-là.
  • Les tendances de croissance qui s’observent depuis un certain temps ont continué à s'intensifier. Les attentes certes élevées des investisseurs sont progressivement satisfaites. La numérisation est le principal moteur de notre nouvelle façon de consommer, de travailler et de vivre tout court. La perspective d'une domination longue et durable des entreprises gagnantes dans ces tendances a également justifié des valorisations plus élevées. Par exemple, la part du commerce électronique aux États-Unis est passée de 12 % à 16 %, et on ne s'attend pas à un renversement de cette évolution.

Au cours du mois écoulé, nous avons cependant vu le groupe des actions de valeur prendre légèrement le dessus. La perspective de vaccins efficaces offre logiquement de nouvelles perspectives à d’autres secteurs de l’économie. C'est pourquoi les investisseurs parlent désormais beaucoup d'une rotation de style (de la croissance à la valeur) et d'une rotation sectorielle. De notre côté, nous ne divisons pas le marché en deux groupes nettement opposés. La croissance est toujours importante pour nous, tout comme la valorisation. Nous équilibrons toujours les deux aspects. Notre stratégie d'investissement repose sur une évaluation générale de la qualité de chaque modèle économique.

La qualité à un prix équitable est la meilleure description pour cette stratégie. Cette approche disciplinée évite les valorisations excessives. Nos positions sont souvent également actives sur des thèmes de croissance à long terme. Nous ne sommes ainsi en grande partie pas dépendants d’éventuelles rotations de style. Nous nous sommes cependant positionnés pour la réouverture de l'économie par des investissements dans des entreprises industrielles de qualité.

Les thèmes chers à Argenta font la une !

Quel est notre positionnement dans les fonds essentiels ?

La future trajectoire économique n'est pas exempte de difficultés. Néanmoins, la sécurité des investissements augmente grâce à la détermination des banques centrales et des gouvernements de poursuivre les politiques de stimulus économique. En outre, il existe aujourd'hui de nombreuses opportunités pour diverses entreprises, qui ne sont pas toutes à des niveaux de valorisation astronomiques.

L'attitude des banques centrales nous permet de prendre une duration un peu plus longue et des positions à rendement relativement élevé au sein de notre portefeuille obligataire. Les signes de reprise économique aux États-Unis ont conduit à une hausse du taux d'intérêt des obligations à plus longue échéance. Des investissements supplémentaires y ont dès lors été effectués. Les accents les plus prononcés au sein de notre portefeuille obligataire aujourd'hui sont les obligations d'État polonaises, chinoises et italiennes, ainsi que les obligations d'entreprises scandinaves à haut rendement.

La majeure partie de ces investissements se situe dans des thèmes tels que la robotique, les technologies propres, la cybersécurité et les technologies de l'eau. Les entreprises plus cycliques du secteur industriel méritent également une attention particulière.

Nous avons renforcé notre présence en Asie du Sud-Est, compte tenu de l'impact économique positif que la Chine peut offrir ici en combinaison avec le nouvel accord commercial RCEP. Notre poids asiatique important ne dépend donc plus uniquement de l'Inde et de la Chine. Nous restons réticents à investir au Royaume-Uni tant que l’issue finale du Brexit ne sera pas clarifiée. Aux États-Unis, la sérénité politique pourrait progressivement revenir alors que Mitch McConnell, un membre éminent du parti républicain, a félicité Joe Biden pour son élection présidentielle.

Con­clu­si­on

Nous sommes convaincus que la société a pris des virages fondamentaux qui ne disparaîtront pas. L'importance de la numérisation et des technologies vertes n’est certainement pas surestimée. Nous ne prévoyons pas de reprise économique complète avant la deuxième partie de 2021, mais des options suffisantes restent disponibles pour poursuivre une stratégie de portefeuille dynamique.

Notre attention tout entière est portée vers la gestion attentive et professionnelle des avoirs de nos clients en toutes circonstances, et en particulier en ces temps exceptionnels que nous vivons.

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