Time is on our side

6 août 2021

Auteur : Matthieu De Coster, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

Les résultats d'entreprises ont une nouvelle fois dépassé les attentes, portés par de fortes tendances sociétales et des gains d'efficience. Dans ce texte, nous examinerons plus en détail ces tendances sociales. Nous analyserons également l'apparente contradiction entre des taux d'intérêt très bas et une inflation élevée, tandis que les interventions du gouvernement chinois réclament également notre attention. Tous ces éléments ont un impact sur nos portefeuilles. Nous appréhendons cet impact en deux temps : comment nous effectuons la répartition entre actions, obligations, liquidités, puis comment nous effectuons les sélections au sein de ces types d'actifs.

« Sell in may and go away – don't come back till St Leger’s Day » est un dicton populaire du quartier de la bourse de Londres où, au XVIIIe siècle, les investisseurs vendaient leurs actions au mois de mai et revenaient seulement au moment de la course hippique « St Leger Stakes » en septembre. L'expression est encore utilisée aujourd'hui comme devise d'investissement, car les mois d'été connaissent régulièrement des résultats boursiers plus faibles. Ce qui est certain, c’est qu'il y a moins de volume de transactions en raison de la saison des vacances, mais il n'y a pas d'explication fondamentale à une moins bonne performance boursière. S'il faut chercher une raison, ce sont éventuellement les investisseurs qui partent en vacances et ne veulent pas détenir des positions risquées qui créent une pression vendeuse. Il s'agit probablement aussi en partie d'une « prophétie auto-réalisatrice ».

Jusqu'à présent, les choses sont différentes en 2021. En juillet, le marché boursier mondial (MSCI World) a de nouveau progressé. La plupart des cours des obligations ont également augmenté en valeur.

Le marché boursier mondial
Cours des obligations

On voit donc que la bourse s’est en moyenne bien remise de la pandémie de Covid. Cependant, le marché boursier n'est pas un reflet parfait de la réalité. Les entreprises cotées sont souvent les plus efficaces et les plus importantes et rendent le tableau faussement plus rose. Il faut aussi s’intéresser aux données agrégées : en moyenne, les familles ont pu épargner depuis l'épidémie de Covid, ce qui est très bon pour l’évolution future des dépenses. Mais les familles les plus pauvres sont désormais frappées par la hausse des prix des denrées alimentaires et des loyers. Entre aujourd'hui et 2022, les gouvernements pourraient vouloir réduire le soutien direct aux familles et aux entreprises pour rééquilibrer les budgets. Ils devront faire de leur mieux pour analyser très précisément les mesures de soutien et les ajuster là où les conséquences de la crise restent les plus douloureuses. Au niveau macroéconomique, on observe heureusement d'importantes évolutions favorables : le nombre de faillites a baissé et l'emploi est en hausse.

Répartition des acttions, des obligations et des liquidités au sein des fonds essentiels

Pour déterminer les pondérations entre les liquidités, les obligations et les actions, nous devons évaluer les rendements et les risques attendus de chaque type d’actif les uns par rapport aux autres : c'est ainsi que se dessine l'allocation d'actifs. Les perspectives boursières sont aujourd'hui équilibrées. La prime de risque1 sur les actions est désormais dans la moyenne sur 25 ans tant pour la zone euro qu'aux États-Unis, on peut donc dire que les actions sont correctement valorisées. Le modèle devenu légendaire de la Réserve Fédérale sous Alan Greenspan n'indique pas non plus de surévaluation pour le moment. Le marché s'attend également à une volatilité moyenne des actions à l’heure actuelle.

Primes de risque

Malgré cette valorisation normale, nous surpondérons les actions. Cette allocation est réalisée par nos choix sélectifs et nos investissements thématiques. Une grande partie des obligations sont devenues en outre moins attractives en raison de la forte baisse des taux d'intérêt.

Les taux d’intérêt occupent une place centrale dans notre analyse

Nous sommes aujourd'hui dans un « bull market », soit un marché structurellement haussier accompagné d'un optimisme des investisseurs qui contrebalance les risques potentiels. Toute baisse est considérée comme une bonne opportunité d'achat. À ce jour, les grandes promesses sont toujours tenues : les derniers résultats d'entreprises restent excellents. L'environnement de taux d'intérêt bas, un soutien gouvernemental fort et la réouverture de l’économie offrent un terrain fertile dans lequel les entreprises continuent de bien se développer. Le soutien des gouvernements est en place pour plusieurs années grâce aux programmes de soutien fiscal. En théorie, le plus grand danger devrait venir d’une forte hausse des taux d'intérêt. C'est pourquoi nous, ainsi que bien d’autres autres analystes de marché, surveillons cela de près.

Sur le marché des taux d'intérêt, nous regardons principalement les États-Unis car ils sont en avance sur le cycle économique et, en dehors de cela, ils constituent également une part importante de nos portefeuilles obligataires. Nous basons notre analyse sur les taux d'intérêt à long terme. Ceux-ci sont déterminés par l'offre et la demande, qui à leur tour sont influencées directement (via les interventions de marché) et indirectement (via les taux d'intérêt à court terme) par la banque centrale, ainsi que par la croissance économique et l'inflation anticipée.

Evolution taux d'intérêt

Les taux d'intérêt à long terme sont à nouveau à des niveaux extrêmement bas. Cependant, plusieurs indicateurs pointent vers une bonne croissance économique, ce qui devrait normalement pousser les taux d'intérêt du marché à la hausse. Par exemple, il y a eu les données européennes et américaines des indices PMI pour le secteur des services qui ont toutes deux atteint des records le 4 août, et les chiffres de l’industrie américaine restent également très solides. Cela signifie que les entreprises étendent leurs activités par rapport au mois précédent.

Les plans de relance prévus aux États-Unis pourraient également donner un coup de fouet à l'économie à long terme. Le paquet lié à l’infrastructure de 1 000 milliards de dollars investira sur 8 ans dans les rues, les ponts, le réseau électrique, les infrastructures hydrauliques, les ports, les aéroports et les stations de recharge pour voitures électriques. Un plan supplémentaire de 3 500 milliards de dollars axé sur les énergies renouvelables et la réduction de la pauvreté est également en attente d'approbation. Le variant Delta du Covid pourrait freiner la croissance, mais nous ne pensons pas qu'un dérapage économique soit probable car aucun gouvernement ne veut imposer à nouveau des restrictions sévères aux déplacements. Cependant, il est nécessaire de reconsidérer quelles entreprises peuvent sortir gagnantes dans la période à venir.

Comme prévu, ce retour soudain d’une intense activité économique a pour effet secondaire une pression sur les prix de toutes sortes de marchandises, des porte-conteneurs au papier toilette. Pour le consommateur final, ces augmentations de prix sont aujourd'hui très sensibles. Une sélection des produits à la croissance de prix la plus rapide aux États-Unis le montre clairement (US Bureau of Labor Statistics) :

Progression des prix en base annuelle %

La banque centrale se doit d’intervenir si elle s'attend à ce que l'inflation devienne trop élevée. Pour le moment, ses membres gardent la tête froide et qualifient l'inflation de transitoire. Il est fait référence à la période de très faible inflation de ces dernières années et au fait qu'elle doit d'abord être compensée. Ce n'est pas encore le cas pour le panier de biens que surveille la banque centrale américaine. Les analystes prévoient qu'entre aujourd'hui et 2023, il y aura 3 augmentations de 0,25 % chacune des taux d'intérêt à court terme. Si cela se produit, cela restera un environnement modéré où les entreprises peuvent certainement prospérer et il est donc supposé que l'inflation ne déraillera pas entre-temps. Nous sommes convaincus qu'à long terme, il existe des forces structurelles suffisantes pour limiter l'inflation (le vieillissement de la population et l'innovation ont un effet déflationniste), mais à court terme il est très difficile de faire une quelconque prédiction. À suivre…

En résumé, le marché ne s'attend pas à une flambée future de l'inflation, ce qui est compatible avec un environnement de taux faibles. Conjugué aux craintes concernant l'impact économique du variant Delta, aux achats massifs d'obligations par les banques centrales et à la préférence pour les investissements sûrs à long terme, tout cela conduit aujourd'hui à des taux d'intérêt bas, même pour ceux qui sont prêts à investir à des échéances longues. Ces conditions maintiennent les taux à un niveau plus faible que ce que l’on pourrait anticiper compte tenu de la reprise économique. Cependant, ces facteurs peuvent changer rapidement. C'est pourquoi nous prenons en compte le potentiel d’une hausse des taux d'intérêt à long terme tant aux États-Unis qu'en Europe. C'est une raison importante pour laquelle nous limitons notre exposition aux obligations, dont les cours baissent lorsque les taux d'intérêt augmentent. Nous optons également délibérément pour une allocation partielle en obligations d'État indexées sur l'inflation.

La sélection des titres au sein des fonds essentiels

L'allocation d'actifs est basée sur des estimations pour l'ensemble de la bourse. Les sélections spécifiques que nous effectuons au sein des actions et des obligations ont leur propre spécificité. Dans un premier temps, nous optons uniquement pour des entreprises qui ont un profil axé sur la qualité. On doit y retrouver une bonne vision des opportunités de croissance, une bonne rentabilité, un bilan solide et une bonne gouvernance. Nous investissons sur des thématiques de croissance par le biais de sociétés qui sont dans une dynamique positive. La pandémie de Covid a eu un impact profond sur de nombreux secteurs. 

Les marchés émergents

Nous brillons déjà depuis plusieurs aanées par notre absence sur de nombreux marchés émergents. Seules la Chine, l'Inde et l'Asie du Sud-Est retiennent aujourd'hui notre intérêt. Pour de nombreux pays, le rattrapage par rapport aux pays les plus développés est au point mort en termes d'industrialisation, d'infrastructures, d'éducation, de soins de santé, etc. 

La bourse mondiale

Interrogations autour de la Chine

Fin mai, il a été annoncé que le gouvernement chinois s'attaquait à l'industrie des technologies de l'éducation. L'enseignement privé en ligne est en plein essor depuis la fermeture des écoles en 2020 en raison de la pandémie de Covid. Tentés par des remises temporaires, des millions d'étudiants ont afflué vers divers cours en ligne. Dès mars, le président chinois Xi a qualifié cela d'excès qui met la pression sur les enfants et crée des inégalités entre riches et pauvres.

Conclusion

Nous maintenons la composition de nos portefeuilles très stable, avec une surpondération en actions. Nous conservons des obligations très liquides et à court terme qui résistent mieux en cas de hausse des taux d'intérêt ou de l’inflation. Les bons résultats des entreprises ont justifié la hausse des marchés boursiers. Il y a encore des obstacles importants à surmonter avec l'inflation élevée et le variant Delta. Si l'issue est favorable, des taux d'intérêt bas, combinés aux plans d'investissement du gouvernement, ainsi qu'à de fortes tendances de croissance sociétales, pourraient continuer à pousser les marchés boursiers vers le haut.

Des revers provisoires sont toujours à prévoir. Nous tâchons de les absorber avec des portefeuilles mondialement diversifiés et notre gestion active. Bien entendu, les portefeuilles fluctuent et baissent parfois. L'arme la plus puissante à notre disposition pour lutter contre ces revers est d'utiliser à bon escient l'horizon d'investissement.

[1] La prime de risque est le rendement supplémentaire que nous espérons gagner en détenant les actions plus risquées par rapport aux obligations sûres. Plus la prime de risque est élevée, plus un investissement en actions apparaît intéressant sur le long terme.

[2] Dans la littérature économique, la séparation de l'allocation d'actifs et de la sélection de titres est appelée propriété de séparation de la construction de portefeuille. On peut diviser le problème de la construction de portefeuille en deux phases. Le lauréat du prix Nobel James Tobin l'a souligné pour la première fois en 1958.

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