Optimisme prudent

8 avril 2020

La nature nous a rappelé que, si ses lois fondamentales s'appliquaient sans aucun état d'âme, le processus de guérison en faisait partie également. Le virus devra donc y obéir lui aussi et se plier aux règles de la statistique.

Nous n'avons eu de cesse de souligner que les mesures de soutien sont suffisantes (à ce stade) pour produire une puissante relance économique au second semestre de 2020. Le redressement des marchés financiers peut se poursuivre progressivement à la stricte condition que les modèles statistiques observés en Chine se reproduisent en Italie (et en Espagne) et épousent une tendance similaire aux États-Unis.

En ce moment, l'épidémie devrait avoir atteint son pic au sud de l'Europe, ce qui permet d'espérer apercevoir le bout du tunnel outre-Atlantique à partir de la dernière semaine d'avril malgré le décompte macabre de la mortalité actuelle. D'où la grande importance que nous accordons à une modélisation précise de l'évolution du virus. Le retournement espéré de la courbe dans les statistiques italiennes et espagnoles se poursuit précisément comme on pouvait le prévoir sur la base des premières conclusions tirées du front initial de l'épidémie en Chine. 

Cette similitude a inspiré les marchés financiers qui se sont engagés ainsi sur la voie d'une puissante remontée des cours boursiers. L'évolution la plus marquée s'est passée aux États-Unis. Le géant américain est aussi le pays qui affiche la plus grande volonté de remettre rapidement son économie sur les rails. L'économie US peut compter à la fois sur sa grande flexibilité, la plus élevée au monde, et sur un dispositif anti-virus le moins restrictif. Si les dégâts économiques n'en resteront pas moins considérables, Oncle Sam semble avoir pris les mesures qui lui permettront de repartir d'un bon pied assez rapidement. 

Graphique 1 : Évolution de quelques indices boursiers (indices return en euros)

Graphique 1 : Évolution de quelques indices boursiers (indices return en euros)

Notez la puissante résilience des indices boursiers Nasdaq et chinois, malgré la bombe atomique biologique. Le S&P Composite s'est également très bien défendu. L'indice européen souffre davantage parce que l'ampleur de la chute de l'activité économique en Italie et en Espagne provoque à nouveau des tensions dans la zone euro et que le confinement quasi général a occasionné des dégâts substantiels sur tout le continent.

Si les chiffres de mortalité qui nous parviennent des hôpitaux américains de New York, du New Jersey et d'un nombre croissant d'autres États nous glacent toujours d'effroi, une stabilisation semble en vue. (Ces chiffres très élevés peuvent cependant perdurer encore quelque temps). Mais les marchés financiers se projettent déjà, comme il se doit, dans la phase suivante qui semble pouvoir advenir sans nécessiter de nouvelles mesures restrictives de la part du gouvernement américain.

L'attention des investisseurs se porte désormais sur l'efficacité des aides financières et monétaires mises en œuvre par les autorités. Les entreprises et particuliers doivent en effet pouvoir disposer à temps des moyens dégagés pour limiter autant que possible les dégâts économiques de la crise sanitaire. Tant que tout le monde reste convaincu de l'urgence à agir, les commentaires dans la presse au sujet de retards et de mauvaises allocations des aides financières ne sont pas de nature à les remettre en cause. Certes, nous n'ignorons pas que, dans une année électorale aux États-Unis, la tentation est grande de distribuer cette manne financière selon des critères davantage politiques qu'économiques. Mais nous pensons qu'il serait trop dangereux d'utiliser cette arme.

En Europe, cette crise sanitaire est l'occasion par excellence de démontrer la valeur ajoutée des institutions onéreuses de l'UE, de rapprocher l'ensemble du projet des citoyens et de clouer le bec aux eurosceptiques. De notre côté, nous sommes déjà convaincus de cette valeur ajoutée, surtout s'agissant de la zone euro. Sans elle, imaginez le sort qui aurait été réservé à l'Italie ou à l'Espagne durant la crise de 2008. Et qu'est-ce que ces deux pays endureraient maintenant pendant la crise du corona si la zone euro ne leur servait pas de filet de protection ? Leur débâcle financière aurait complètement disloqué le continent européen sur le plan économique.

Les ministres européens ont cependant déjà magistralement raté la première occasion d'établir un plan efficace pour la mise en place d'un fonds de relance économique[1] ou l'émission de corona bonds.[2].  Ces longs palabres internes typiques de l'UE sont les seuls susceptibles d'entraver le redressement économique. Les différences culturelles séculaires du continent sont à nouveau à l'œuvre.

Nous tablons tout de même sur un accord au terme de nouvelles discussions et de la dramatisation habituelle. Mais si l'UE échoue à s'entendre maintenant, son existence même serait remise en question.

Il est évident que l'inversion récente (et encore limitée) des chiffres de l'infection ne s'explique pas uniquement par les lois statistiques, mais aussi par certaines mesures et l'engagement héroïque du personnel des établissements de soins, des hôpitaux et du secteur de la distribution.

Nous n'avons pas de mots pour exprimer notre reconnaissance, nous qui nous les observons depuis la ligne de touche, conscients de notre impuissance et de notre inutilité. Mais notre tour viendra bientôt de faire appel à tout notre courage, lorsque nous devrons contribuer au financement des coûts gigantesques de la crise et à la réduction des déficits budgétaires colossaux. 

Pour le financement, le moyen le plus rapide est sans doute de mobiliser l'épargne considérable inscrite aux bilans des banques pour l'investir de manière ciblée dans de nouvelles obligations et/ou dans le fonds de redressement européen à mettre en place.

Les dérapages budgétaires seront corrigés, selon toute vraisemblance, par des hausses d'impôts. Mais nous sommes convaincus que nous surmonterons cette crise. D'ailleurs, y a-t-il seulement un plan B ? Nous nous accommodons fort bien de l'éventuelle poussée inflationniste qui en résulterait. Nous la préférons sans hésiter à la déflation qui, si on en juge par l'Histoire, est un problème beaucoup plus difficile à affronter. Dans notre esprit, il ne subsiste plus qu'un seul doute : l'UE saura-t-elle se montrer unie politiquement pour apporter tout le soutien financier dont nous avons besoin ?

Cette génération ne peut plus se permettre une seconde débâcle d'une telle nature et d'une telle ampleur. Des mesures appropriées devront donc être prises pour mettre sur pied une politique de prévention digne de ce nom et lui adosser les infrastructures sanitaires nécessaires.

Pour les marchés financiers, nous continuons à tabler sur un redressement économique substantiel dans la seconde partie de cette année historique. Nous restons cependant réalistes. Le chemin qui nous attend sera encore parsemé de doutes sur le caractère adéquat des mesures prises et de bisbilles entre politiciens lorsqu'il s'agira de les mettre en œuvre concrètement. Tant en Europe qu'aux États-Unis, où les prochaines élections présidentielles jetteront une ombre sur ces discussions.

Ce contexte plaide pour la poursuite du renforcement progressif des positions en actions dans nos fonds essentiels où nous permettons à présent que la pondération des actions soit légèrement supérieure à la norme, principalement en raison du récent mouvement haussier sur les marchés d'actions. Sur le plan géographique, nous continuons à mettre l'accent sur les États-Unis et la Chine en privilégiant, sur le plan sectoriel, les thèmes de la technologie, des soins de santé, de la pharmacie et de la sécurité. La position en dollars a été ramenée en quelques étapes à un niveau neutre. Le billet vert s'est en effet apprécié par rapport à l'euro, ce qui peut s'expliquer par le différentiel des taux d'intérêt entre les deux zones économiques.

[1] Comme il est proposé par l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et l'Autriche.

[2] Comme ils sont proposés par les autres États membres. 

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