Les États-Unis sous l’emprise des élections, l’Europe toujours plus verte

2 octobre 2020

Auteur : Vincent Coppée, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

Après quelques semaines marquées par une consolidation sur les bourses mondiales, les principaux indices semblent se stabiliser. Alors que les résultats d’entreprises vont bientôt être publiés pour le 3trimestre, l’attention se focalise résolument sur les élections présidentielles aux États-Unis. Par ailleurs, l’Europe continue à miser de plus en plus sur l’économie verte, cette fois par l’entremise de la Banque Centrale Européenne. Les incertitudes à court-terme nous conduisent à conserver un positionnement légèrement prudent, même si nous sommes de plus en plus séduits par l’évolution que nous observons en Europe.

L’échéance approche pour les élections présidentielles américaines, la tension monte

L’importance croissante des décisions politiques dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 rend parfois le travail de prévision plus difficile sur les marchés financiers. Certaines tendances peuvent brusquement être perturbées par des décideurs politiques qui ne se laissent pas toujours guider par ce que les marchés souhaiteraient obtenir. On peut à cet égard se rappeler de la réponse de l’ancien premier ministre britannique Harold MacMillan (1957-1963) quand on lui demandait ce qui préoccupait le plus un politicien: “Events, dear boy, events.

Et des événements inattendus, il n’en manque pas cette année aux États-Unis: l’épidémie de COVID-19, le mouvement Black Lives Matter et les remous sociaux qui y sont liés, et maintenant la bataille autour de la nomination d’un successeur à la juge Ruth Bader Ginsburg au sein de la Cour Suprême. Tout cela à un peu plus de 30 jours des élections présidentielles de début novembre.

Ce débat pour la nomination à la Cour Suprême survient à un bon moment pour Trump : indépendamment du fait que cela lui confère une chance unique de nommer pour la 3e fois un juge conservateur, la dramatisation qui entoure cette bataille politique détourne en partie l’attention de la pandémie et de l’agitation sociale. Mais le tableau est clair : les partis démocrate et républicain risquent de s’enliser dans une guerre politique de plus en plus sale, où la légitimité non seulement de la plus haute juridiction du pays mais aussi de tout le système politique risque d’être remise en question.

Au vu des derniers sondages pour les élections au Sénat et à la Chambre des Représentants, il y a une chance réelle que les Démocrates raflent toute la mise. Mais les dernières déclarations de Trump à propos du vote par correspondance font craindre une remise en question de sa part des résultats. Une crise constitutionnelle pourrait s’ensuivre. Pour l’instant les marchés restent assez stoïques à ce sujet, mais nous surveillons cette situation de près.  

Les ambitions vertes de l’Europe s’affirment encore plus avec la BCE

En Juillet dernier, l’Union Européenne avait déjà affirmé ses ambitions en terme de durabilité, en annoncant que, en cohérence avec le « Pacte Vert » lancé par la Commission, 30 % du plan de relance et du budget pluriannuel de l’Union devraient être consacrés à des dépenses qui favorisent la transition climatique.

Le 22 septembre, ce fut au tour de la BCE de verdir sa politique d’assouplissement monétaire. Un nouveau rôle important a été donné aux obligations qui mettent en avant des objectifs de performance en terme de durabilité. Ces “sustainability-linked bonds”(SLB) distribuent un coupon variable, dépendant de l’accomplissement de ces objectifs de durabilité. L’émetteur doit en effet distribuer un coupon plus élevé si les objectifs ne sont pas atteints. Cela peut même s’avérer plus utile qu’une “green bond” (obligation verte) qui finance un investissement vert particulier. En effet cet investissement vert existait peut-être déjà, ou cotoie des activités polluantes au sein de l’entreprise. Les obligations SLB vont par contre regarder l’entièreté du profil de l’entreprise et exigeront que des progrès réels soient accomplis.

La décision prise par la BCE permet que les banques puissent utiliser ce type d’obligation comme collatéral pour leurs emprunts nécessitant ce genre de garantie, et implique qu’à partir de 2021, la BCE pourra aussi racheter ces obligations dans le cadre de sa politique d’assouplissement. Il est clair que ce dernier point provoquera une augmentation de la demande, et que cela poussera dès lors plus d’entreprises à émettre ce genre d’obligations. Il s’agit d’une manière intelligente de soutenir la transition climatique.

Nous considérons cette décision comme un atout supplémentaire pour les entreprises européennes résolument tournées vers l’économie durable et la technologie verte. Elles devront en effet indirectement s’assurer que les objectifs de durabilité soient atteints pour toutes les entreprises. Cette évolution cadre parfaitement avec les thèmes de long-terme que nous mettons en avant dans nos investissements, comme la cleantech ou le développement des matériaux durables.

Les chiffres économiques se stabilisent, les résultats d’entreprises poursuivent leur redressement

Après le spectaculaire redressement des derniers mois, les chiffres économiques semblent marquer une pause ces dernières semaines, comme le montrent les indices PMI (indices des directeurs d’achats) dans les différentes régions (voir graphe ci-dessous). La plupart d’entre eux se maintiennent cependant au-dessus du seuil de 50 qui signale une expansion de l’économie.

Chiffres PMI

De leur côté, les résultats d’entreprises poursuivent leur rétablissement progressif (ci-dessous : bénéfices attendus sur 1 an).

Croissance attendue des bénéfices d'entreprises

Mais l’image est encore plus impressionnante si l’on se focalise sur les résultats trimestriels dans les secteurs de la technologie, de la biotechnologie et de l’industrie, segments qui recouvrent une grande partie des thèmes de long-terme où nous investissons. Comme le montre le graphe ci-dessous pour les États-Unis, même l’industrie qui a été sévèrement touchée lors de l’éclatement de la pandémie, affiche un rebond impressionnant. 

Bénéfices trimestriels d'entreprises attendus

Bien entendu cette tendance devra être confirmée lors de la publication des résultats pour le 3trimestre qui débute la semaine prochaine. Il s’agit néanmoins d’une performance remarquable dans un contexte d’incertitude encore bien présent. La confiance des consommateurs en Europe et aux États-Unis reste notamment très volatile.

Le COVID-19 : une deuxième vague, pas de deuxième confinement

Entre-temps, la pandémie de COVID-19 continue à sévir sans véritablement faiblir. Jennifer Nuzzo, épidémiologiste américaine au centre John Hopkins Health Security, a déclaré récemment : « aucun pays n’est épargné. Aucun pays à cet instant ne peut relâcher sa viligance et prétendre que le pire est passé ». Elle ne fait pas seulement référence à la situation toujours difficile aux États-Unis, mais pointe la tendance au niveau mondial, où beaucoup de pays se trouvent, soit dans une longue et monstrueuse première vague (États-Unis), où vivent déjà la seconde vague (Europe).  

Nous avons déjà plusieurs fois insisté sur le fait que seul un vaccin efficace mettra (nous l’espèrons) fin à cette pandémie. À ce niveau, les espoirs de Trump d’annoncer une bonne nouvelle avant les élections se réduisent alors que la FDA, l’organe américain chargé de l’approbation des nouveaux médicaments, vient d’annoncer un renforcement de sa procédure afin de guarantir la qualité et la fiabilité du candidat vaccin potentiel. L’objectif d’un résultat au printemps plutôt qu’à la fin de cette année, devient pour de nombreux observateurs beaucoup plus réaliste.

Néanmoins la réaction des autorités européennes à l’apparition de la deuxième vague est beaucoup plus nuancée et sélective. Quand on voit par exemple ci-dessous l’envol des nouveaux cas journaliers de contamination en France et aux Pays-Bas, ce genre de hausse parabolique, bien plus forte encore qu’en mars, aurait pu provoquer un deuxième confinement total. Mais les gouvernements, conscients d’une part de la nature différente de cette deuxième vague (moins de décès, moins d’hospitalisations), et d’autre part de la fragilité de la reprise économique, adoptent une approche nettement moins radicale dans la lutte contre la pandémie.

Nouveaux cas en France. Source: Worldometers.info

France : Nouveaux cas quotidiens de COVID-19. Source : Worldometer

Nouveaux cas dans Les Pays Bas Source: Worldometers.info

Pays-Bas : Nouveaux cas quotidiens de COVID-19. Source : Worldometer 

Quelles opérations avons-nous effectuées dans nos fonds essentiels ?

Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous discernons des signes de plus en plus positifs au sein de l’Europe, dont les instances paraissent animées d’une véritable volonté de relance structurelle de son économie. Nous sommes par ailleurs séduits par la volonté claire des instances européennes de privilégier le développement durable et la technologie verte. Nous avons dès lors augmenté à nouveau nos positions en actions européennes par des investissements supplémentaires dans nos fonds tournés vers l’investissement durable et ayant une exposition importante en Europe. Ces fonds contiennent une importante composante industrielle qui nous convient également dans la perspective du plan de relance européen. Le graphique ci-dessous montre l’évolution au cours des 3 derniers mois des poids relatifs des différentes régions du monde au sein des actions dans notre fonds essentiel neutre.

Répartition actions fonds essentiel neutre

Cette augmentation du poids de l’Europe a été financée par une légère réduction des actions américaines (vente partielle du tracker S&P500), et des obligations à haut rendement (allègement de nos positions dans plusieurs fonds de placement). D’une part les incertitudes liées aux élections présidentielles aux États-Unis nous incitent à faire preuve d’un peu plus de prudence sur la bourse américaine. Nous restons cependant encore suffisemment investis au travers de nos thèmes de long-terme. D’autre part les obligations de haut rendement se sont fortement redressées ces derniers mois et le rendement courant qu’elles offrent encore est devenu un peu moins attractif.

Par ailleurs nous avons utilisé une partie des liquidités entrantes dans les fonds pour l’achat d’actions européennes, ce qui a résulté dans une légère augmentation du pourcentage en actions. Nous restons cependant toujours légèrement sous-pondérés en actions, compte tenu de primes de risque toujours proches de leur moyenne de long-terme et d’une volatilité des marchés qui reste relativement élevée.

Conclusion

La gestion de portefeuille est un exercice délicat de combinaison des convictions de long-terme avec des choix tactiques guidés par des facteurs de plus court-terme. Nous intégrons dans nos décisions les changements observés dans le paysage économique et financier afin d’optimaliser au mieux nos résultats en termes de rendement et de risque. C’est comme cela qu’il faut comprendre les mouvements de ces derniers mois que nous avons détaillés dans nos nombreuses communications : modifications dans notre allocation d’actifs, dans nos choix régionaux, dans notre exposition obligataire.

Mais ces mouvements de plus court-terme, bien qu’utiles et nécessaires, ne doivent jamais nous détourner de notre vision à plus long-terme, qui est celle qui nous permettra finalement de nous distinguer et de vous apporter les résultats que vous êtes en droit d’attendre. C’est ainsi que lorsque nous avons décidé d’accroître nos investissements dans les thèmes de la digitalisation ou de la cybersécurité, il s’agissait surtout de reconnaître une évolution en profondeur de notre société et de notre économie. De même, lorsque nous avons renforcé nos positions en obligations d’État de la périphérie européenne, nous avons acté le fait que l’Union Européenne a démontré sa volonté d’assurer la pérennité du projet européen. Et notre récente décision d’accroître nos investissements dans l’industrie et la technologie verte européenne traduit une conviction que dans les années à venir, les capitaux consacrés par l’Europe au développement d’une économie plus verte et plus durable porteront leurs fruits.

Cette philosophie est clairement celle d’Argenta Asset Management : distinguer la forêt derrière les arbres, privilégier l’essentiel face à l’accessoire, entendre les tendances de long-terme au milieu des bruits de court-terme. Nos fonds essentiels sont gérés en appliquant ces principes simples mais essentiels.

Notre attention tout entière est portée vers la gestion attentive et professionnelle des avoirs de nos clients en toutes circonstances, et en particulier dans cet environnement exceptionnel que nous vivons actuellement.

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